[Poitiers] A l’école de la hiérarchie, de la concurrence, du patronat et des armes

NdPN : à la lecture de cet article, force est de constater que l’école, malgré ses détracteurs, sait rester fidèle à sa mission : intégrer les jeunes à la société… capitaliste, avec l’assistance dévouée d’un patronat à l’offensive sur tous les fronts, notamment celui de « l’éducation ». Un grand merci au Rectorat et au MEDEF 86 ! Nous avons souligné les passages les plus édifiants.

Dans la peau d’un chef d’entreprise

Mardi dernier avait lieu au lycée Saint-Jacques de Compostelle une compétition amicale et très originale entre 10 établissements scolaires, publics comme privés, de la Vienne : le challenge entreprises.
Par équipe de trois, les élèves de classes de troisième devaient pendant toute une journée gérer une entreprise et prendre les bonnes décisions commerciales et financières pour qu’elle soit performante, sans oublier la gestion du personnel ni la production. L’objectif était de produire et de vendre virtuellement une gamme de drones.
Dans une ambiance conviviale mais extrêmement sérieuse, les élèves se sont pris au jeu, comme si la vie de leur entreprise virtuelle dépendait de leur bonne gestion. Au total 8 challenges étaient au programme, dont celui de l’éthique ou encore celui du management. Le défi surprise, pour tester les nerfs des dirigeants, fut particulièrement périlleux : la construction d’une maquette à base de spaghettis et de chamallows !
Aidés par des étudiants de bons conseils et par des professionnels, tous les collégiens ont apprécié l’accueil et l’organisation irréprochable. Ils ont tous promis de revenir l’année prochaine pour un nouveau challenge.

Nouvelle République, 24 février 2015

[Poitiers] Soutien à Jean-François et au DAL 86

Venez tous au concert de soutien du DAL86 mardi 3 mars 20h30 Plan B
Apportez votre soutien au DAL86 et à Jean-François Chazerans :
-En venant au concert de soutien au Plan B mardi 3 mars à partir de 20h30
-En venant massivement au procès en appel jeudi 5 mars à 16h30 au Tribunal de Grande Instance, Palais de Justice place Lepetit
-En apportant un soutien financier Chèques à l’ordre du DAL86 à envoyer à DAL86, Maison de la Solidarité, 22 rue du Pigeon Blanc, 86000 Poitiers.

Vu sur le site du DAL 86, 21 février 2015

 

Aux avant-postes du décentrage de la critique

Logo EELJv2.cleanedLe dévoiement du langage est une entreprise consciente, une entreprise de maintien de l’ordre. Les mots font penser aux champignons. Certains sont vénéneux. Il en suffit de quelques-uns, voire d’un seul, pour empoisonner un discours tout aussi sûrement qu’un champignon rend le contenu du panier impropre à la consommation.

Prenons un exemple. Vous lisez la phrase suivante : « [L’idée est de] faire en macroéconomie ce que fait n’importe quelle entreprise : tenir compte de l’état de son capital. »[1] On pourra naturellement nous reprocher de l’avoir retirée de son contexte. Mais tout de même, ces mots, « macroéconomie », « entreprise », « capital », les emploierait-on ainsi, même dans un sens métaphorique pour les deux derniers, si l’on avait l’intention de formuler des objections contre la macroéconomie, l’entreprise, le capital ? Et si l’on s’était donné pour but de critiquer la société marchande, aurait-on osé jeter les bases d’un aussi noble projet que « de redonner à l’argent sa valeur d’échange »[2] ? Mais tel n’est manifestement pas l’objectif de Marie-Monique Robin, la réalisatrice du film documentaire Sacrée croissance.[3] Et pourtant ! Ce film se présente comme une exploration des alternatives d’ores et déjà existantes au monde de la « croissance », responsable des désastres écologiques et climatiques présents et futurs, à travers l’exemple de villes favorisant l’agriculture urbaine, comme Toronto au Canada et Rosario en Argentine, ou mettant en place une monnaie locale, comme Fortleza au Brésil, ou encore de l’île danoise de Samsø qui produit elle-même son énergie. La liste n’est pas exhaustive. Dans le cas des « villes en transition » (Toronto et Rosario), expression labellisée, nous apprenons que les agriculteurs urbains biologiques sont soutenus par les municipalités, l’une de droite, l’autre de gauche[4], comme quoi la reprise en main par la collectivité de cette activité a des limites, et qu’il faut bien en passer par les hommes et femmes politiques de bonne volonté, quelles que soient les options idéologiques mises en avant. Et comme le dit cet ancien trader reconverti dans l’agriculture à Toronto: « Mais pour créer un changement systémique, il faut que les politiques soient là. »[5] Ce que la réalisatrice du film corrobore de toutes ses forces : « Les politiques les plus à même de mener la transition, ce sont les locaux. »[6] Mais les politiques nationaux, c’est bien aussi. À la question du journaliste « Peut-on se passer des gouvernements nationaux ? », Marie-Monique Robin répond avec conviction et assurance : « Non. On a besoin de leaders politiques éclairés et courageux, et ça, c’est difficile à trouver. »[7] Et de fait, à Rosario, la mise en place de l’agriculture urbaine est une initiative venue des pouvoirs en place. C’est « un ingénieur agronome passionné d’agro-écologie […] qui a convaincu la municipalité de soutenir l’agriculture urbaine comme un moyen de lutte contre l’exclusion sociale. » Le cas de Rosario est une illustration du constat que nous avons déjà fait dans un article paru dans le numéro 18 de Négatif[8], à savoir qu’il s’agit là de la mise en place d’un mode de « gestion » des pauvres, en l’occurrence des victimes de la crise de 2001 en Argentine, auxquels on préfère abandonner quelques terrains qui leur permettent d’assurer leur subsistance plutôt que de les voir emprunter le chemin de la révolte et d’une autonomie véritable. C’est d’ailleurs la municipalité qui fournit les moyens logistiques pour l’acheminement des marchandises vers les marchés. Et, comme la réalisatrice, passons rapidement sur le fait qu’à Rosario un des terrains généreusement accordés par la municipalité consiste en une ancienne décharge publique, puisqu’il a été décontaminé et qu’y poussent désormais des légumes « bio »! Ce n’est pas le degré de sincérité des protagonistes qui est en cause. « Je crois qu’ici c’est la base d’une alternative pour changer le monde », déclare une maraîchère. C’est l’illusion dont ils sont victimes. Qu’ils viennent de Rosario, Toronto, du Danemark ou d’ailleurs, tous ont pour motivation la lutte contre le réchauffement climatique. Ils s’en prennent à la croissance irraisonnée, mais ne remettent jamais en cause de manière radicale la société marchande. Ainsi cet agriculteur de la petite île danoise de Samsø qui produit sa propre électricité au moyen de panneaux solaires et d’une éolienne, qui ne cache pas que son investissement de plus d’un million d’euros a été une bonne affaire et lui rapporte désormais plus que les vaches. Mais alors, de quoi parle-t-on exactement ? Ce que Marie-Monique Robin parvient à nous faire comprendre, c’est qu’on peut fort bien continuer à faire des affaires, être dépourvu de toute ambition politique et sociale, et agir pour la préservation du climat et de l’environnement. On voit bien qu’un tel discours s’adresse d’abord aux « décideurs », qui n’auraient pas à s’inquiéter, et vise à les convaincre qu’une autre économie, plus verte, est possible.[9] Et ce n’est évidemment pas la création d’une monnaie locale et d’une banque « communautaire », comme à Fortaleza, initiative désormais reconnue, acceptée et récompensée tant au niveau national qu’international, qui doit leur causer des tracas supplémentaires. Il s’adresse également à nous tous, afin de nous persuader qu’il ne tient qu’à nous de nous lancer dans l’extraordinaire aventure du maintien du monde de la domination, du monde de la séparation entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui lui serviront de petites mains heureuses en uniforme vert. De surcroît, des emplois miroitent à l’horizon ! Le mot magique est lâché ! Tournons tous nos yeux brillants et remplis d’espoir dans la même direction.

Le film Sacrée croissance, que nous évoquons aujourd’hui beaucoup plus en tant que symptôme que pour son importance intrinsèque, a été diffusé à la télévision sur la chaîne Arte le 4 décembre 2014. Il avait bénéficié d’une promotion à l’occasion de l’interview de la réalisatrice dans le quotidien Libération la veille. Cette même réalisatrice a été ensuite, pendant une heure, l’invitée d’une émission radiodiffusée.[10] C’est beaucoup de temps, beaucoup d’honneur. C’est aussi un signe qui ne trompe pas. Ce sont les médias qui décident de ce qui est digne ou non d’être porté à la connaissance d’un large public parce que sans véritable portée critique. Il n’est pas étonnant que se trouvent aujourd’hui mises en avant une pseudo-critique et des pratiques encadrées par les institutions, digérables par le marché et qui plus est susceptibles de lui redonner de l’allant. On ne peut même pas dire qu’il s’agisse de récupération, comme ce fut le cas dans les années soixante-dix où les classes dominantes durent courir, pendant quelque temps, derrière les idées révolutionnaires surgies en 1968. Cette pseudo-critique a pour effet de décentrer, de détourner de manière préventive la critique efficace du monde existant, la critique qui vise l’essentiel et donc le tout. On met sur le marché une idéologie et son cortège de pratiques intégratrices n’ayant d’autre objectif que de garder dans les limites de la pensée dominante ceux qui pourraient un jour être tentés par une remise en cause globale du monde marchand. C’est ainsi que la sauvegarde de ce dernier, comme dans un clip publicitaire où la plus banale, la plus frelatée des marchandises nous est présentée comme le sésame qui va transformer et embellir nos vies, est vantée comme la plus belle des aventures. La seule possible et souhaitable. Nos sorciers en ingénierie sociale s’appuient, afin que cela fonctionne, sur l’aspiration bien réelle des individus à mener une vie épanouie au sein d’une société qui la favorise, une société dont ils se sentent les éléments moteurs et non les rouages, sur une aspiration à la bonne vie. Mais la première pierre d’un monde nouveau que les protagonistes qui apparaissent dans Sacrée croissance pensent avoir posée est plutôt celle du mur invisible qui séparera – qui sépare déjà – ceux dont n’a plus besoin le turbo-capitalisme des heureux élus.

Le spectacle est le discours ininterrompu que l’ordre présent tient sur lui-même, son monologue élogieux. C’est l’auto-portrait du pouvoir à l’époque de sa gestion totalitaire des conditions d’existence.[11] Ce que tend à faire accroire le film Sacrée croissance, c’est que le monde de la domination porte en lui, comme son propre enfant, une possibilité d’auto-transformation que la maïeutique de la réalisatrice contribuerait à faire naître. Il serait lui-même sa propre alternative. À l’économie de marché, dont la logique n’est pas négociable puisque tout au long du film quelques-uns des termes clé reviennent comme un refrain (nouvelle économie, argent, emploi, etc.), pourrait se substituer… une économie verte de marché. La nécessité de sauvegarder la planète, qui est bien réelle et urgente, devient une menace que l’on fait planer sur nous tous et de fait l’instrument d’une mue du capital à la reproduction duquel nous devrions continuer à consacrer nos vies. Une fois de plus on nous enjoint à tout changer pour que rien ne change.

Extrait de Négatif n°20, février 2015

Notes
[1] Interview de Marie-Monique Robin, à propos de son film documentaire Sacrée croissance, dans le quotidien Libération, du lundi 3 novembre 2014.
[2] Ibid.
[3] Diffusé sur la chaine de télévision Arte, le mardi 4 novembre 2014.
[4] Libération, op. cit.
[5] Extrait du film Sacrée croissance, de Marie-Monique Robin.
[6] Libération, op. cit.
[7] Ibid.
[8] « Des ponts vers le possible », Négatif n°18, mai 2013, p 5.
[9] Cf. l’article « Qu’elle est verte ma monnaie », Négatif n°12, décembre 2009.
[10] « L’Humeur vagabonde », France Inter, 15 décembre 2015 à vingt heures.
[11] Guy Debord, La Société du spectacle, 1971, Champ libre, p 16. Sur le caractère toujours plus totalitaire de la société marchande, cf. « Dans la cage d’un éternel présent ? », Négatif n°16, mai 2012.

[Poitiers] Affaire Chazerans :  » Il n’y a rien dans le dossier  »

NdPN : voir aussi ici, et

Affaire Chazerans :  » Il n’y a rien dans le dossier « 

Jean-François Chazerans, professeur de philosophie à Poitiers, a consulté son dossier au rectorat, en vue de la commission de discipline fixée au 13 mars.

Jacques Moret, recteur d’Académie, a invité, hier après-midi, Jean-François Chazerans, professeur de philosophie au lycée Victor-Hugo à Poitiers, à consulter son dossier dans le cadre de la commission de discipline prévue le 13 mars prochain. Une procédure normale.
Que reproche-t-on à cet enseignant suspendu à titre conservatoire depuis le 21 janvier dernier ? « D’avoir tenu des propos inadéquats le jeudi 8 janvier 2015 (NDLR : le lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo à Paris) lors d’un débat en classe », rappelle son avocat, Maître Amaury Auzou.

Jean-François Chazerans, accompagné de deux syndicalistes et de son avocat, a découvert un document d’une page et demie, – le rapport réalisé par deux enquêteurs –, et une lettre d’un parent d’élève rendue anonyme par le rectorat.

«  Attendre l’orientation du procureur  »

Surprise totale après lecture des trois feuilles, format A4. Maître Auzou assure qu’il n’y a « rien dans le dossier ». « Je m’attendais à des choses plus consistantes, confie-t-il, au vu de la suspension de 4 mois qui, certes, est une mesure conservatoire mais colore le dossier à charge. » Ajoutant : « J’ai appris par la presse que le parquet a été saisi par Monsieur le recteur. » « Il me semblerait logique d’attendre l’orientation du procureur de la République avant de statuer sur le plan disciplinaire, comme cela fait habituellement. »
L’intéressé dit être tranquille dans cette affaire : « Après avoir consulté mon dossier, je suis toujours aussi serein quant à mon examen devant la commission disciplinaire. »
Son avocat condamne le traitement excessif de l’affaire : « Il faut descendre d’un étage ». « C’est une enquête bâclée. Rien n’est justifié. On a un simple rapport de deux enquêteurs, aucun détail des élèves qui ont été auditionnés. Dès lors, comment peut-on estimer un simple rapport d’enquête qui constitue un élément à charge corroboré par rien ? », s’interroge Amaury Auzou. Réponse le 13 mars.

Didier Monteil, Nouvelle République, 14 février 2015

Un nouveau DDSP dans le 86

NdPN : L’histoire récente de l’administration policière se place sous le signe de la fusion de services, aux fonctions pourtant bien distinctes. Il s’agit de conglomérer les questions de « sécurité » (dans un sens très large) et les renseignements (comprenant notamment la surveillance des militants politiques). Ainsi, DST et RG fusionnent en 2007, sous l’impulsion de Sarkozy, dans une nouvelle DCRI, qui s’illustrera bientôt dans « l’affaire Tarnac ». Parallèlement, est inauguré un nouveau fichier policier classé secret-défense, hors contrôle de la CNIL, « Cristina ». Entre autres objets de surveillance policière, l’accent est mis sur les militants politiques, leur entourage et leurs communications. Nombre de commentateurs dénoncent une « dérive » vers une « police politique »… Néanmoins, les questions de « sécurité publique » relèvent d’un service encore bien distinct, la DCSP (à laquelle se rattachent les DDSP et les commissariats), pas en contact direct avec les renseignements.

Mais en 2014, sous l’impulsion de Valls, la DCRI devient la DGSI, placée directement sous le contrôle du ministère de l’Intérieur. La DGSI dispose de plus d’autonomie encore, son organisation et ses activités sont gardées secrètes. L’Etat affiche ainsi, clairement, que la « sécurité publique » ne se distingue plus du renseignement, y compris politique. La nomination du nouveau DDSP de la Vienne s’inscrit parfaitement dans cette optique politique de concentration des services de police.

On se souvient que les derniers propos de l’ancien DDSP du 86 Jean-François Papineau, dans un journal public (7 à Poitiers), traduisaient son obstination, pour ne pas dire une certaine obsession, à cibler davantage les « anarchistes ». En 2009-2010, à l’époque où la police et la justice s’acharnaient lourdement contre les anti-autoritaires de la Vienne, Jean Prost était responsable des services de renseignement de la Vienne… avant d’être nommé DDSP en Corrèze – un département chouchouté par le pouvoir central. Jean Prost vient d’être nommé nouveau DDSP du 86. Il prendra ses fonctions en mars.

NB : Le DDSP par intérim, Laurent Siam, part quant à lui pour l’Hérault… à la Police de l’Air et des Frontières.

Un nouveau patron pour les policiers

Le commissaire divisionnaire Jean Prost fait son retour à Poitiers en coiffant la casquette de directeur départemental de la sécurité publique, un poste vacant depuis le départ en novembre dernier de Jean-François Papineau, nommé à Caen.

Jean Prost, avait dirigé jusqu’en octobre 2010 le service départemental d’information générale (SDIG, ex-RG) à Poitiers avant d’être nommé DDSP de la Corrèze. L’intérim à la DDSP 86 était assuré par le commissaire divisionnaire Laurent Siam qui part pour l’Hérault. Il est nommé directeur de la police aux frontières. Un poste qu’il avait déjà occupé à La Réunion, avant de diriger le commissariat de Saintes puis de rallier Poitiers comme n° 2 en charge des policiers en tenue, le service de sécurité et de proximité. Dans l’Hérault, il va notamment découvrir la création d’une brigade des chemins de fer au sein de la police aux frontières 34, avec des fonctionnaires qui assureront des missions de police dans les trains, indiquent nos confrères locaux.

Nouvelle République, 13 février 2015