[Poitiers] Soutien à Christine qui résiste en prison contre l’arbitraire et pour la liberté

Le mardi 6 octobre 2015 à 12h, devant le palais de justice de Poitiers,

Venez manifester votre solidarité et votre soutien à Christine qui résiste en prison contre l’arbitraire et pour la liberté

« […] il arrive que des condamnés commettent le crime de parler… »
A.M. Jacob

Le 28 avril 2015, Christine Ribailly devait être extraite de la prison de Strasbourg afin de comparaître au tribunal de Poitiers pour y répondre d’ « incidents » survenus à l’automne 2014 quand elle était incarcérée à Vivonne. Pour des raisons qui ne lui appartiennent pas, Christine n’a pas été transférée ce jour-là et son audience remise au mardi 6 octobre 2015 à 13h.

Isolement, éloignement familial, transferts disciplinaires, fouilles à nu, violences, quartiers disciplinaires, humiliations… Pour les près de 70 000 prisonnier.e.s en France, chaque journée passée en prison est un défi face à l’Administration Pénitentiaire (AP). Forte d’une multitude d’outils et de dispositifs tant violents qu’insidieux, l’AP encadre l’atomisation des prisonnier.e.s et orchestre la répression de leurs résistances. Pour n’en citer que quelques exemples :

– casques, boucliers, équipes d’intervention anti-émeute (ERIS)
– sédatifs et anti-anxiolytiques
– chantages à la possibilité d’avoir accès à des remises de peines, activités, parloirs, UVF (Unité de Vie Familiale), … qui deviennent des faveurs à quémander à l’AP,
– organisation de l’espace qui vise l’atomisation des détenu.e.s (cellules d’isolement, quartier disciplinaire, segmentation par de nombreuses grilles d’accès, TV/douche/repas en cellule et donc seul.e.s…)

Aspirateur social, prison de la misère, machine à broyer, entreprise de déshumanisation, les mots n’ont jamais manqué pour désigner la prison, la taule. Des paroles de prisonnier.e.s aux enquêtes de l’Observatoire International des Prisons en passant par les témoignages des familles et proches de détenu.e.s, les conclusions sont les mêmes : la prison détruit l’être social.

Résister en prison, c’est y survivre, c’est exister.

Au centre pénitentiaire de Vivonne en décembre 2014, les détenues du du quartier femmes rédigent une plate-forme de revendications collectives (voir au dos) où elles expriment leurs frustrations et aspirations immédiates dans le cadre de leur détention. C’est dans ce contexte d’expression collective que l’Administration pénitentiaire de Vivonne décida de porter plainte contre Christine qui comparaîtra ce mardi 6 octobre pour outrage, violence et rébellion.

Face aux institutions, ne pas se laisser piétiner et tabasser est trop souvent synonyme d’ « outrage, violence, menace »…

En prison, en plus de l’insupportable privation de liberté, les situations de confrontation et d’humiliation sont le lot quotidien des prisonnier.e.s face aux agent.e.s de l’administration pénitentiaire et leurs supérieur.e.s : refus de promenade, de séances de sport, fouilles diverses et multiples, problèmes de courrier ou remarque déplacée, palpations, annulations de parloir… D’autant plus que « les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. […] Mais c’est rarement le cas. »

Alors à chaque manquement à ses droits ou provocation, que Christine soit elle-même concernée ou que l’une de ses codétenues soit visée, elle réagit avec la même ardeur et, en retour, essuie des sanctions. Christine a ainsi passé la moitié de ces deux dernières années en quartier disciplinaire ou à l’isolement, et subi treize transferts d’établissement. Certaines confrontations mènent à des insultes ou affrontements physiques… À plusieurs reprises, Christine a porté plainte contre des surveillants : ses plaintes n’ont jamais été retenues. À plusieurs reprises, des surveillants ont porté plainte : ils y ont gagné du fric et de nouvelles peines pour Christine. En deux ans d’emprisonnement, Christine a ainsi accumulé plus d’une année d’incarcération supplémentaire à sa peine initiale (elle-même le fruit d’« outrages, violences et rébellions »).

Sans notre soutien, les prisonnier.e.s et leurs combats face à l’Administration pénitentiaire sont écrasé.e.s dans le silence.

Pour des lettres, infos et nouvelles de Christine : enfinpisserdanslherbe.noblogs.org
Voir le site du journal anti-carcéral (envoyé gratuitement aux prisonnier.e.s sur demande) : lenvolee.net

Liste de revendications des prisonnières de la Maison d’Arrêt des Femmes du Centre Pénitentiaire de Poitiers-Vivonne
(Décembre 2014)

Comme ailleurs, nous voulons :

– Des payes correctes, tant aux ateliers qu’au service général
– La suppression des QI et des régimes différenciés au CD
– Les portes ouvertes en MA et/ou le téléphone en cellule
– La mise en place systématique des aménagements de peine sans délais et des transferts en CD dès la condamnation
– La facilitation du téléphone, des parloirs et des UVF avec nos proches, enfermés ou non
– La fin des fouilles systématiques et/ou punitives
– Les repas appétissants : marre de manger du plastique !

Localement, nous demandons :

– Des conditions dignes à la nursery : arrêt des réveils nocturnes, une cour avec de l’herbe, des temps de socialisation pour la maman…
– L’accès à l’école pour toutes : fin des refus avec la fausse excuse de la mixité
– La télé à 8 euros par mois : alignement sur la loi, comme dans les prisons publiques (18 euros ici pour Eurest)
– La fin de l’interdiction des apports aux parloirs (livres, disques, produits d’hygiène…) : on n’est pas là pour enrichir les cantines privées
– L’ouverture d’une salle de convivialité : elle doit être systématique quand la météo est mauvaise car il n’y a pas de préau dans la cour
– Plus d’activités : actuellement, il n’y a que « bricolages en papier » et « fitness », 2h. par semaine
– L’accès au terrain de foot : seuls les hommes y ont droit
– La gratuité du courrier interne : on doit timbrer les lettres pour le quartier hommes

(Ces demandes sont toutes réalisables dans l’état actuel de la législation)

« Nous avons donc affiché la liste de revendications le jeudi 13 sur le tableau des notes de services. A notre surprise, la feuille manuscrite y est restée quatre jours ! Mais nous n’avons eu aucun retour. Je l’ai donc expédiée à la direction qui n’a pas fait plus de commentaires. Alors nous avons fait une lettre, extrêmement polie, pour demander l’ouverture d’une salle aux mêmes heures que les promenades. Elle a été signée par toutes les filles de la MAF. Quand elle a été remise à la chef, j’étais déjà au mitard [NDLR : sanctionnée pour un refus de fouille à nu].

J’ai appris que le chef de bâtiment avait convoqué toutes les filles une par une dans son bureau pour leur faire peur en disant que les revendications collectives étaient interdites. Bien sûr, ils n’ont pas osé mentir ainsi aux Basques et à moi. En effet, ce qui est passible d’un CRI (compte-rendu d’incident), c’est « une action collective mettant en danger la sûreté de l’établissement », ce qui n’est pas notre cas. Au contraire, la loi de 2009 incite l’AP à consulter les détenus sur les activités qui leur sont proposées. Il en a profité pour leur dire aussi que c’était interdit de me saluer en criant (et comment peut-on faire autrement avec le béton qui nous sépare ?). Donc depuis quinze jours, seules les Basques me parlent. Bref, c’est l’attitude classique de l’AP… »

Christine, 11/12/2014, MAF de Vivonne

Vu sur demosphere Poitiers

[Poitiers] Conditions de détention : pas de  » bergère insoumise « 

Poitiers/Vivonne. Le procès de Christine Ribailly, détenue rebelle accusée d’outrages et violences contre le monde carcéral, a été renvoyé en octobre.

Son comité de soutien était présent. Une douzaine de personnes, invitées par son blog (1) et le Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux. Mais Christine Ribailly n’a pas été extraite de la prison de Strasbourg « compte-tenu de la personnalité particulière de la prévenue », a indiqué la gendarmerie dans un courrier lu par le procureur, hier après-midi. La justice envisage donc un transfert administratif dans une prison moins éloignée. Et le procès pour les faits qui lui sont reprochés, lors de son incarcération dans la prison de Vivonne (violence et outrage sur une personne dépositaire de l’autorité publique), aura lieu mardi 6 octobre, à 14 h. Lors de son bref passage derrière les barreaux poitevins, elle avait eu le temps de rédiger des revendications collectives dans la Maison d’arrêt des femmes de Vivonne (lire en savoir plus).

En deux ans de détention, elle a cumulé un an de prison de plus

En octobre, la justice poitevine découvrira comment elle est devenue un mouvement social à elle seule. Christine Ribailly, c’est l’incroyable destin d’une bergère (c’est son métier) insoumise à l’administration pénitentiaire. L’histoire a débuté en décembre 2004. A l’époque, cette femme découvre les codes de conduite d’une épouse de détenu alors que son compagnon purge une longue peine. Un parloir refusé. Sa première garde à vue. Ses quatre premiers mois de prison avec sursis pour « outrage et violence sur personne dépositaire de l’autorité publique. » Elle refuse l’arbitraire de la prison et demande à ce que le code pénal et le code du prisonnier soient respectés. Depuis onze ans, sa vie n’est qu’une accumulation de peines liées à ces faits. Soit parce qu’elle s’est révoltée contre l’administration pénitentiaire, soit parce qu’elle était en manifestation contre Lopssi 2 ou opposée au puçage des moutons. Mais jusqu’en novembre 2012, elle était encore libre de ses mouvements. C’était juste avant que la bergère ne se révolte contre l’arbitraire d’une fouille. Nouvel outrage. Et la rébellion de trop pour la justice. Christine Ribailly est condamnée à deux mois de prison ferme. Depuis trois ans, de mitards en quartiers d’isolement, elle a cumulé de nouvelles longueurs de détention dans toutes les prisons de l’Hexagone. Un cercle vicieux où les conditions d’incarcération qu’elle dénonce pour les autres ne font que l’enfoncer davantage dans les siennes. Est-ce le prix à payer pour son combat ?

(1) https ://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org

en savoir plus

Revendications des prisonnières : des payes, à la gratuité du courrier

Voici la liste des revendications des prisonnieres de la Maison d’arrêt des femmes de Vivonne établie en décembre 2014 : « Comme ailleurs, nous voulons des payes correctes, tant aux ateliers qu’au service général ; la suppression des quartiers d’isolement ; le téléphone en cellule ; la mise en place systématique des aménagements de peine sans délais et des transferts en centre de détention dès la condamnation ; la facilitation du téléphone, des parloirs ; la fin des fouilles systématiques ; des repas appétissants. Localement, nous demandons des conditions dignes à la nursery ; l’arrêt des réveils nocturnes, une cour avec de l’herbe, des temps de socialisation pour la maman ; l’accès à l’école pour toutes ; la télé à 8 € par mois ; la fin de l’interdiction des apports aux parloirs (livres, disques, produits d’hygiène…) ; l’ouverture d’une salle de convivialité, systématique quand la météo est mauvaise car il n’y a pas de préau dans la cour ; plus d’activités ; l’accès au terrain de foot (seuls les hommes y ont droit) ; la gratuité du courrier interne : on doit timbrer les lettres pour le quartier hommes. »

Xavier Benoit, La Nouvelle République, 29 avril 2015

[Poitiers] Venez manifester votre solidarité et votre soutien à Christine qui résiste en prison

Venez manifester votre solidarité et votre soutien à Christine qui résiste en prison

Isolement, éloignement familial, transferts disciplinaires, fouilles à nu, violences, quartiers disciplinaires, humiliations… Pour les 66 270 prisonniers en France au 1er février 2015, chaque journée passée en prison est un défi face à l’Administration Pénitentiaire (AP). Forte de ses casques, de ses uniformes blindés, de ses armes et d’un code pénal qu’elle manie à sa guise, l’AP encadre l’atomisation des prisonniers et orchestre la répression de leurs résistances.

Aspirateur social, prison de la misère, machine à broyer, entreprise de déshumanisation, les mots n’ont jamais manqué pour désigner la prison, la taule. Des paroles de prisonniers aux enquêtes de l’Observatoire International des Prisons en passant par les témoignages des familles et proches de détenus, les conclusions sont les mêmes : la prison détruit l’être social.

Résister, c’est y survivre, c’est exister.

Face aux institutions, ne pas se laisser piétiner et tabasser est trop souvent synonyme d’ « outrage, violence, menace »…

Sans notre soutien, les prisonniers et leurs combats contre l’Administration pénitentiaire sont écrasés dans le silence.

Le 28 avril 2015, Christine Ribailly, détenue à la prison de Strasbourg, sera transférée au tribunal de Poitiers pour y répondre d’ « incidents » survenus à l’automne 2014 quand elle était incarcérée à Vivonne. Alors qu’une plate-forme de revendications collective venait de voir le jour au quartier femmes du centre de détention, dans laquelle les détenues exprimaient leurs frustrations et aspirations immédiates,l’Administration pénitentiaire de Vivonne décida de porter plainte contre Christine. C’est dans ce contexte d’expression collective que Christine s’est débattue lors de fouilles et autres provocations des surveillants de la pénitentiaire. Coupable d’avoir refusé d’encaisser sans broncher, de ne pas s’être écrasée, elle comparaîtra ce 28 avril à 16h pour outrage, violence et rébellion.

Refus de promenade, de séances de sport, fouilles diverses et multiples, problèmes de courrier ou remarque déplacée, palpations… En prison, les situations de confrontation sont le lot quotidien :

« Les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. J’attends donc une honnêteté sans faille de leur part. Quand j’ai été incarcérée, j’ai lu le code du prisonnier et le code pénal. Je regarde toutes les notes de service affichées en détention. Si tout ça est respecté, je ne fais pas d’histoire. Mais c’est rarement le cas. »

A chaque manquement à ses droits ou provocation, que Christine soit elle-même concernée ou que l’une de ses codétenues soit visée, elle réagit avec la même ardeur et, en retour, essuie les sanctions. Christine a ainsi passé la moitié de ces deux dernières années en quartier disciplinaire ou à l’isolement, et subi dix transferts d’établissement. Certaines confrontations dérapent. Insultes, affrontements physiques… À plusieurs reprises, des surveillants ont porté plainte, ajoutant de nouvelles condamnations à sa peine. En deux ans d’emprisonnement, Christine a ainsi accumulé plus d’une année d’incarcération supplémentaire.

La Justice va-t-elle, une fois de plus, écraser la résistance des prisonniers face à l’arbitraire de l’AP et accorder à l’institution carcérale une nouvelle fois l’impunité ?

QUI EST CHRISTINE ? (L.Bjurström http://www.politis.fr/Christine-un-engrenagecarceral, 28711.html)

Christine est bergère. Elle aime la montagne et son troupeau, pouvoir se déplacer en toute liberté, voir qui elle veut quand elle le veut. Quand son compagnon est incarcéré, condamné pour une longue peine, elle découvre les contraintes du parloir, la sévérité de l’administration pénitentiaire. En décembre 2004, une altercation avec des surveillants du centre de détention de Valence, pour un parloir promis puis refusé, l’expédie en garde à vue pour la toute première fois. En comparution immédiate, elle écope de quatremois de prison avec sursis pour violence sur personne dépositaire de l’autorité publique et outrage. Chaque année qui suit ajoute une nouvelle peine à son dossier. Aux incidents de parloir s’ajoutent ceux desmanifestations contre le système carcéral, la loi Loppsi 2 ou le puçage des moutons, et des gardes à vue qui s’enchaînent. Le 8 novembre 2012, partie voir son compagnon au parloir, elle passe un portail de sécurité. Celui-ci ne sonne pas, mais les surveillants lui demandent d’enlever sa veste. L’ordre résonne comme une manifestation supplémentaire de l’arbitraire de l’institution. Parce que « les familles n’ont pas à se déshabiller sans raison », Christine refuse. Sa résistance l’expédie en garde à vue, puis deux mois en prison pour outrage et rébellion. Les deux mois d’incarcération sont devenus années. Un à un, les sursis et peines accumulés depuis 2004 sont tombés. Et, en deux ans d’emprisonnement, les multiples altercations avec les surveillants ont déjà allongé sa peine d’un an. Du mitard au quartier d’isolement, de commissions disciplinaires en procès, Christine s’accroche et ne faiblit pas.

Pour plus d’infos sur la situation de Christine : https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux

Vu sur Demosphere Poitiers

[Taule de Poitiers-Vivonne] L’étau se resserre autour des prisonnier.e.s

Parloir « coquin » à Vivonne : la sanction maintenue

ape-mini-1Le juge des référés du tribunal administratif a rejeté la requête en suspension déposée par un détenu de la maison d’arrêt de Vivonne, sanctionné de dix jours cellule avec sursis [la NR veut certainement dire ici que le prisonnier a été condamné par le prétoire, le tribunal interne de la prison, à dix jours de cellule disciplinaire (mitard) avec sursis ; NdPN] et suppression de 60 jours de parloir avec son épouse pour atteinte à l’hygiène et obscénité.

L’administration accuse le couple d’avoir profité d’un parloir en tête à tête pour avoir une relation sexuelle, ce que les intéressés nient farouchement. L’accusation repose entièrement sur le rapport rédigé par un surveillant, faute d’autres témoignages. Les vidéos de surveillance qui auraient permis de recouper les faits ont été effacées.

Le juge a néanmoins refusé de suspendre la sanction, estimant que le rapport d’un surveillant en matière de discipline suffit à caractériser la réalité des faits reprochés.

Presse de la matonnerie, lanouvellerepublique.fr, 27 mars 2015

La fin des parloirs sauvages au palais de justice

Un petit bisou discret, une dernière étreinte avant le grand départ ou une cigarette glissée par un proche à un détenu de passage au palais de justice, c’est une tolérance établie. Tant que tout le monde joue le jeu gentiment, policiers et gendarmes laissent faire. Ça met de l’huile dans les rouages, ça apaise à peu de frais. Mais, depuis jeudi, c’en est fini de cette pratique considérée comme un parloir sauvage. Deux magistrats ont assisté, jeudi, à la faveur du passage d’un prévenu à l’audience correctionnelle à une scène de ce type. Une escorte de gendarmes avait notamment accepté qu’une cigarette soit transmise à un détenu. Ils risquent de se faire taper sur les doigts. De ce fait, désormais, la tolérance est abolie. Au grand dam, vendredi, de deux jeunes garçons jugés en comparution immédaite et que les gendarmes ont dû calmer en faisant appel à leurs avocats pour leur expliquer la situation.

Presse pénitentiaire, lanouvellerepublique.fr, 19 mars 2015

[CP de Poitiers-Vivonne] Un couple lourdement sanctionné pour un simple câlin au parloir

ape-mini-1Soupçonné d’avoir entretenu un rapport sexuel avec sa compagne lors d’une visite au parloir, ce qu’il dément, Patrick A, détenu au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, s’est vu imposer deux mois de parloirs hygiaphones (équipés d’une une vitre de séparation en plexiglas). Une sanction qu’il conteste dans un recours déposé vendredi 6 mars devant le tribunal administratif de Poitiers. Au delà des problèmes de preuve, cette situation, soulève de nouveau la question du droit à l’intimité des personnes détenues, aujourd’hui quasi inexistant dans les prisons françaises.

Le 3 janvier 2015, Patrick A. enlaçait sa compagne, Virginie, assise sur ses genoux, lorsqu’un surveillant a interrompu leur parloir au motif qu’il les aurait « surpris en plein acte sexuel ». La direction de l’établissement a immédiatement supprimé la visite de 48 heures dont le couple devait en principe bénéficier en Unité de vie familiale (UVF) deux semaines plus tard. À titre provisoire, elle a également imposé à Patrick A. des visites en parloirs hygiaphones avec l’ensemble de ses visiteurs pour le mois suivant et suspendu le permis de visite de sa compagne pour une durée d’un mois. Le 26 février 2015, le directeur a de nouveau supprimé au couple la possibilité de se voir sans dispositif de séparation, pour une durée de deux mois supplémentaires, cette fois-ci à titre de sanction disciplinaire.Si aucun texte n’interdit expressément les relations sexuelles en prison, le fait d’ « imposer à la vue d’autrui des actes obscènes ou susceptibles d’offenser la pudeur » est considéré comme une faute disciplinaire.

Dans son rapport d’incident, le surveillant a détaillé avoir clairement vu « le sexe en érection » de Patrick A. ainsi que « les mouvements de va-et-vient » de sa compagne. Dans le cadre de sa défense, Patrick A. dément tout rapport sexuel : « Nous sommes tout le temps restés habillés, je n’ai jamais enlevé mon pantalon, ni ma femme. Il est impossible que les surveillants aient vu mon sexe ». Selon lui, le couple était enlacé, intégralement vêtu, elle étant assise à califourchon sur son compagnon. Aucune disposition du Code de procédure pénale ou du règlement intérieur de l’établissement ne leur interdit en effet d’établir un contact physique. Une circulaire de 2012 prévoit même expressément que « les personnes visitées doivent pouvoir étreindre leurs visiteurs ».

Face à deux versions contradictoires, la direction a refusé d’entendre les témoins présents ce jour-là et de visionner les enregistrements de vidéosurveillance dont elle disposait pour vérifier les faits, s’en remettant aux seules allégations du surveillant. Pour des faits loin d’être établis, le couple s’est vu priver de la possibilité de se rencontrer dans des conditions normales pour une durée totale de quatre mois, soit le maximum prévu par le Code de procédure pénale pour ce type de faute disciplinaire. Patrick A. s’est également vu sanctionner de 10 jours de quartier disciplinaire avec sursis.

Le caractère exceptionnellement sévère de cette sanction apparaît d’autant plus injustifié qu’en huit années de détention, Patrick A. a toujours eu un comportement exemplaire et que l’administration n’a jamais eu à lui reprocher aucun incident disciplinaire. Cette sanction pourrait par ailleurs avoir des conséquences préjudiciables sur ses projets de sortie en entraînant un retrait de réductions de peines de la part du juge de l’application des peines.

L’expérience de ce couple pose plus largement la question du respect du droit à l’intimité des détenus. Partie intégrante du droit à la vie privée, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, le droit à la sexualité est aujourd’hui loin d’être respecté en prison. Bien que le Code de procédure pénale n’autorise ni n’interdise les relations sexuelles, les couples qui tentent de vivre une sexualité au parloir s’exposent, selon des pratiques qui varient en fonction des établissements ou des personnels pénitentiaires, à des sanctions disciplinaires. Même lorsque l’administration ne met pas d’autre lieu à leur disposition pour vivre une certaine intimité en dehors du regard omniprésent des surveillants.

L’OIP préconise de généraliser les UVF et les salons familiaux dans les établissements pénitentiaires tel que prévu par la loi pénitentiaire de 2009. Seuls dispositifs de visite garantissant le respect de l’intimité, les rencontres s’y déroulent sans surveillance directe et les relations sexuelles y sont possibles. Fin 2014, seuls 29 établissements en étaient dotés.

Source : Site de la section française de
l’Observatoire International des Prisons
, 11 mars 2015

Parloir câlin ou coquin : un couple sanctionné

Vivonne. Un détenu et sa compagne sont privés de parloir. L’administration les accuse d’une relation sexuelle qu’ils contestent. La justice est saisie.

Y a-t-il eu relation sexuelle en plein parloir à Vivonne ?

Deux versions s’opposent et la justice administrative est saisie d’une contestation des sanctions disciplinaires prononcées contre le détenu accusé par un gardien d’un rapport sexuel avec sa compagne venue le voir. C’était le 3 janvier dernier. Robin reçoit de la visite. Un parloir libre où le couple peut avoir un contact physique. La jeune femme est d’ailleurs assise sur les genoux de son compagnon quand le surveillant les interrompt.

La sanction disciplinaire contestée

Il assure avoir assisté à un rapport sexuel et pas à un simple câlin. Le surveillant déclare dans son rapport d’incident avoir clairement vu le sexe en érection du détenu et la femme, à califourchon sur lui, pratiquer des mouvements de va-et-vient qui ne laissent place à un aucun doute sur leurs activités. Robin conteste fermement cette version. « Nous sommes restés tout le temps habillés, je n’ai jamais enlevé mon pantalon, ni ma femme. Il est impossible que les surveillants aient vu mon sexe », raconte-t-il dans un témoignage publié sur le site de l’Observatoire international des prisons (OIP). Il maintient qu’il était de dos et que le surveillant n’était pas là où il prétendait être. Il n’aurait donc rien pu voir.

Derrière la vitre

La commission de discipline de l’établissement a été saisie de cette histoire et elle a sanctionné sévèrement le couple. Dans un premier temps, des mesures administratives sont prises : la visite de 48 heures, prévue deux semaines plus tard au sein d’une unité de vie familiale, un petit appartement avec toute l’intimité désirée, qui «  saute  ». Le couple se voit aussi imposer, fin janvier, des parloirs en cabine hygiaphone jusqu’au 3 mars. Ces parloirs séparent le couple par une vitre, interdisant de fait tout contact physique. La compagne du détenu avait attaqué en référé liberté cette décision devant le tribunal administratif de Poitiers. Il lui a donné tort, estimant que le couple disposait toujours d’une mesure de parloir, même si elle ne lui convenait pas, ce qui ne portait donc pas atteinte à sa vie privée et familiale.

Le parloir «  saute  »

Un nouveau round judiciaire est prévu le 23 mars prochain devant le tribunal administratif de Poitiers. Robin Chaumont conteste, à la faveur d’une procédure en référé, la sanction disciplinaire prononcée récemment à son encontre : dix jours de cellule disciplinaire avec sursis et suppression de soixante-jours de parloir. L’Observatoire international des prisons (OIP) s’insurge que la direction de l’établissement ait pris cette sanction sur la seule foi des déclarations contestées du surveillant.

Vidéos effacées

« Elle a refusé d’entendre les témoins et elle nous dit que les enregistrements de vidéosurveillance ont été effacés, ils ne les gardent que peu de temps », renchérit Me Jessy Renner, avocate du détenu. « C’est gênant dans la manière de considérer la parole du détenu. Il dit des choses, et on ne fait rien pour les vérifier. L’Administration n’apporte aucune preuve. Il est frappé par une double peine : une première sanction administrative est prise, suivie d’une sanction disciplinaire. Il est en détention depuis huit ans, il n’a jamais posé problème. » L’OIP ne sera pas partie prenante à cette procédure. Mais elle intervient dans le débat pour souligner le caractère « exceptionnellement sévère » selon elle de la sanction prononcée et réclamer la généralisation des UVF où les couples peuvent avoir des relations sexuelles dans la stricte intimité et sans risque de sanctions.

Hygiène et obscénité

« Là, on l’a sanctionné pour un manquement à l’hygiène », indique son avocate « et pour obscénité. » L’Administration pénitentiaire n’a pas donné suite à notre sollicitation.

Emmanuel Coupaye, La Nouvelle République, 14 mars 2015