[Poitiers] 6 juin : rassemblements contre la politique du PS

Le collectif « Non à la LGV Poitiers-Limoges » s’invite au congrès du PS à Poitiers

Les représentants du collectif «Non à la LGV Poitiers-Limoges» ont tenu ce matin une conférence de presse à Poitiers, pour annoncer leur décision d’organiser un rassemblement devant le parc des expositions, samedi, à l’occasion du congrès du Parti Socialiste. Dans une lettre ouverte au député-maire PS Alain Claeys et aux Socialistes réunis ce week-end, ils réaffirment leur opposition au projet. Ils estiment «inacceptables le système des petits copains et les retours d’ascenseur» qui ont conduit à la signature de la déclaration d’utilité publique en janvier dernier.

Nouvelle République, 3 juin 2015

NdPN : voir aussi cet article de la Nouvelle République du 4 juin 2015 : LGV Poitiers-Limoges : les opposants au congrès 

Communiqué du NPA. Dans la rue contre l’austérité à Poitiers.

Le Parti Socialiste, parti qui dirige le pays et mène une politique d’austérité, tient son Congrès national à Poitiers, les 5, 6 et 7 juin. Des ministres vont défiler, ainsi que les milliers de barons locaux qui tiennent ce parti, et contribuent à détruire les services publics, à casser les droits des travailleur-ses, à mener une politique de chasse des immigré-es, une politique anti-écologique et anti-démocratique.

Le PS est un parti totalement inféodé au capitalisme, frondeur-ses compris ; il n’y a rien à attendre de ce parti. C’est en s’opposant à lui et à sa politique qu’il faut construire une alternative sur sa gauche, indépendante, radicale, démocratique, sociale et écologique.

Plusieurs initiatives sont prises localement à l’occasion de ce congrès.

La CGT départementale appelle à se rassembler devant le Parc des expositions le samedi 6. Ils seront rejoints par le collectif pour la sortie du nucléaire et le collectif stop-TAFTA…

Le NPA appelle également à se rendre à ce rendez-vous, à 10h30, pour porter des exigences de justice sociale et écologique.

Enfin, nous serons également investis aux côtés du Collectif de défense de l’ancien théâtre de Poitiers, le samedi après-midi dès 17h (devant l’ancien théâtre) pour la 6ème Fête du collectif. C’est une belle manière de montrer les dégâts de la politique d’austérité au niveau local, en matière de culture pour cet exemple-là.

Un weekend de luttes en perspective auxquelles le NPA de la Vienne répond présent.

Poitiers, le 3 juin 2015.

Vu sur le site du NPA 86

Poitiers : la CGT manifestera en marge du congrès du PS

L’union départementale de la CGT de la Vienne a fait savoir ce midi qu’elle organiserait un rassemblement près de la Roseraie, samedi, à Poitiers, en marge du congrès du Parti socialiste qui se tiendra au parc des expositions. Une délégation du syndicat devrait également être reçue par un conseiller interministériel en fin de matinée pour exposer les griefs de la CGT contre la politique menée par le gouvernement.

Nouvelle République, 4 juin 2015

 

Ramène ta pioche

On a 10 jours pour enterrer l’Andra

La gestion des déchets nucléaires n’a et n’aura jamais de solution. Ils seront toujours là, que ce soit à 500 mètres sous terre ici à Bure, comme ailleurs. L’urgence n’est pas à leur gestion, mais à l’arrêt de leur production. Si l’industrie de l’atome et l’État souhaitent enterrer le problème aussi vite que possible, c’est bien pour continuer d’en produire. Nous nous opposons à la destruction de nos lieux de vie, dans la Meuse comme ailleurs, ainsi qu’à la poursuite du nucléaire de tout temps.

Nous vous proposons de nous rejoindre à Bure du 1er au 10 août pour prendre le temps d’amplifier ensemble l’opposition concrète à CIGEO et son monde.

Le tombeau du nucleaire

Après un demi-siècle d’empoisonnement, l’industrie nucléaire n’a pas de solution face à la radioactivité des déchets nucléaires. Partant de cette incapacité, l’État veut imposer l’enfouissement et ses méthodes toujours plus mafieuses : mascarade démocratique, accapa-rement des territoires, autoritarisme et violence.

Après s’être faite dégager de nombreux autres sites dans les années 80, l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs en France (ANDRA) s’est installée pour une étape de recherche dans le département de la Meuse, à Bure, depuis 1993.

Zone à faible population (7 habitant-e-s/km2), Bure est un endroit rêvé pour entasser les pires déchets de l’inhumanité. Depuis 2001 existe un laboratoire souterrain et en 2006, malgré la conclusion du Débat Public comportant des réserves sur le stockage profond, l’ANDRA projette de le convertir en un « Centre Industriel de Stockage Géologique » (le CIGEO).

Aucun déchet n’est encore là : le gros du chantier pour l’exploitation du site est prévu pour 2017 et les déchets devraient arriver en 2025.

Nous observons, qu’en plus du laboratoire expérimental, des centres d’archivage et d’une ecothèque (sorte de mémoire de l’état pré-nucléaire) déjà présents, des travaux connexes commencent discrètement à voir le jour : élargissement de routes, mise en réserve de terres par la SAFER, coupes dans les forêts alentours, etc.

En parallèle, tout un programme d’accom-pagnement industriel se déploie dans le sud-Meuse : plate-forme de transport de matières radioactives, plate-formes de stockage pour pièces neuves de centrale, filières scolaires liées au nucléaire.

Les tentatives d’opposition légalistes ont toutes échouées jusqu’alors. La pétition de 42000 signatures locales demandant un référendum, poubelle ! La conclusion du débat public de 2006 qui comporte des réserves sur le stockage profond, balayée ! Les arrêtés municipaux contre l’enfouissement, insignifiants !

Depuis 10 ans, au sein d’un réseau d’associations locales et nationales et en réponse à l’installation du laboratoire de l’ANDRA, une maison a été achetée avec l’aide des antinucléaires allemands, rénovée ensuite grâce aux dons et aux investissements personnels des militant-e-s de passage. Cette maison a vocation à être un lieu d’information indépendante, d’organisation d’alternatives énergétiques, ainsi qu’un espace d’accueil et de vie collective. Cette « maison de la résistance à la poubelle nucléaire » a permis aux individu-e-s et collectifs d’ancrer une lutte locale et de permettre la rencontre de nombreuses personnes en lutte.

vieuxcailloux

Si les composantes historiques à Bure mènent sur le terrain depuis 20 ans un travail de sensibilisation, de réseau et de veille des agissements de l’ANDRA de très près, ce projet d’État avance. Pour aller au-delà des formes associatives d’organisation, il devient de plus en plus nécessaire d’agir concrètement contre CIGEO.

Pourquoi nous nous y opposons

Les déchets sont le problème insoluble de l’industrie nucléaire, on ne sait pas les faire disparaître, et ce pour des millions d’années. Leur gestion est le chaînon manquant du programme nucléaire français.

Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, l’élite politique voudrait que chacun-e reconnaisse la nécessité de gérer les déchets. Ce n’est ni plus ni moins qu’une stratégie de dépolitisation de la question, sous prétexte de protéger les générations futures. Mais depuis quand l’industrie nucléaire serait humaniste ? Si l’État et l’industrie nucléaire étaient cohérents, ils arrêteraient d’en produire de manière complètement schizophrène. Ça nous éviterait toujours de vivre avec les risques liés à l’existence des centrales et aux transports de matières radioactives.

Alors on nous dit « les déchets sont là », et oui ils sont là, et ils le seront toujours à 500m sous terre. Enterrer la catastrophe ce n’est pas la supprimer : nous ne sortirons plus du nucléaire. Nous ne voulons ni arbitrer ni « proposer une solution » au problème éternel que représente la gestion des déchets nucléaires, nous ne sommes pas co-gestionnaires, cela reviendrait à produire de l’expertise alternative bénévolement au profit des nucléocrates. Il ne s’agit pas de sensibiliser l’appareil techno-industriel et politique à une meilleure solution pour la gestion des déchets, mais bien d’arrêter la production nucléaire.

La moitié des déchets qu’ils prévoient d’enfouir ne sont pas encore produits… Les stockages actuels sont pleins, et il s’agit maintenant de cacher les déchets gênants et de faire de la place aux futurs déchets de l’industrie nucléaire. De brandir enfin une solution au plus vite afin de légitimer la poursuite du programme « électro-nucléaire ». Autrement dit de perpétuer la catastrophe.

CIGEO répond au même jeu de pouvoir que celui régissant les industries pharmaceutiques, agro-alimentaires…

CIGEO, c’est aussi une opération de marketing vers l’étranger qui vise à donner au complexe nucléaire français l’image d’une maîtrise totale, depuis l’extraction de l’uranium, jusqu’au démantèlement des centrales. Se battre contre CIGEO, c’est combattre la politique énergétique française, qui veut faire de la France l’interrupteur de l’Europe et du Maghreb. Des EPR à l’enfouissement en passant par la THT, CIGEO est l’aboutissement d’une série de nuisances et de l’aménagement du territoire imposés par l’industrie nucléaire. Au-delà de bousiller une région entière, l’enfouissement vise à pérenniser la filière électro-nucléaire, partout, et ainsi assurer de beaux jours à la puissance d’État et au capitalisme. Faire miroiter la croissance avec l’extension du marché européen de l’électricité et des innovations industrielles du tout électrique : des objets connectés aux voitures électriques, aux réseaux intelligents, aux compteurs linky, tout ce beau monde qui nous promet la gestion et l’aménagement de notre cadre de vie.

Les flux de nucléides dégoulineront inélucta-blement hors de Bure.

Voilà pourquoi nous nous opposons à l’enfouissement, à Bure comme ailleurs.

CIGEO nous concerne toutes et tous !

Se rassembler cet été à Bure

Le blocage du Débat Public de 2013 a permis de redonner un sentiment de force collective à la lutte. La mobilisation de nombreuses personnes opposées au projet localement, y compris de nombreuses associations, témoigne de la volonté de ne plus subir l’impuissance et la dépossession de la lutte face aux mensonges, à la corruption et aux consultations bidons.

Nous ne voulons pas juste informer mais inverser la balance : si ce rassemblement contribuera à mettre un éclairage sur la mobilisation à Bure, il sera surtout l’occasion d’actions concrètes.

Nous partageons depuis plusieurs années des expériences collectives et un commun dans nos pratiques : partage de savoir, recherche de notre autonomie, horizontalité des organisations, ouverture d’espaces dans lesquels devient possible l’expérimentation collective, bienveillance des un-e-s vis à vis des autres…

Venir à Bure n’implique pas d’être militant-e écologiste ou antinucléaire, mais signifie qu’on croit en la nécessité de s’organiser au-delà de luttes locales. Nous construirons ensemble un espace pour y vivre 10 jours d’échanges de pratiques, de discussions à propos des luttes d’ici et d’ailleurs et sur nos manières de vivre le collectif, dans un esprit anti-autoritaire, soucieux de parer à toute forme de domination.

On abordera la question des luttes actuelles (Bure, ZAD, NoTav, forêt d’Hambach…) et celle de l’évolution des formes de répression et des mouvement réactionnaires, afin de mieux anticiper la lutte à Bure et d’envisager des possibles communs. Cela sera aussi l’occasion de nous organiser en vue de la COP21, sommet climatique intergouvernemental prévu à Paris en décembre 2015.

Esquissons d’autres imaginaires pour nos vies…

Vladimir, Martine & Co

vmc [arrobase] riseup [point] net

debat public bure 2


Le CIGEO prévu à Bure représenterait 99% de la radioactivité française et ferait ainsi partie des projets européens les plus conséquents des prochaines années. Le site d’enfouissement des déchets de Bure (à 500m sous terre) occupe 200ha de terre agricole, 200ha de forêt et une vallée comblée. A cela s’ajoutent 10 millions de mètres cube de déblais, 2 trains en moyennes par semaine pendant 130 ans. 50 % du volume concerne des déchets non produits ou des pays voisins. L’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) travaille au service du CEA, d’AREVA et d’EDF, parmi d’autres.


Aux avant-postes du décentrage de la critique

Logo EELJv2.cleanedLe dévoiement du langage est une entreprise consciente, une entreprise de maintien de l’ordre. Les mots font penser aux champignons. Certains sont vénéneux. Il en suffit de quelques-uns, voire d’un seul, pour empoisonner un discours tout aussi sûrement qu’un champignon rend le contenu du panier impropre à la consommation.

Prenons un exemple. Vous lisez la phrase suivante : « [L’idée est de] faire en macroéconomie ce que fait n’importe quelle entreprise : tenir compte de l’état de son capital. »[1] On pourra naturellement nous reprocher de l’avoir retirée de son contexte. Mais tout de même, ces mots, « macroéconomie », « entreprise », « capital », les emploierait-on ainsi, même dans un sens métaphorique pour les deux derniers, si l’on avait l’intention de formuler des objections contre la macroéconomie, l’entreprise, le capital ? Et si l’on s’était donné pour but de critiquer la société marchande, aurait-on osé jeter les bases d’un aussi noble projet que « de redonner à l’argent sa valeur d’échange »[2] ? Mais tel n’est manifestement pas l’objectif de Marie-Monique Robin, la réalisatrice du film documentaire Sacrée croissance.[3] Et pourtant ! Ce film se présente comme une exploration des alternatives d’ores et déjà existantes au monde de la « croissance », responsable des désastres écologiques et climatiques présents et futurs, à travers l’exemple de villes favorisant l’agriculture urbaine, comme Toronto au Canada et Rosario en Argentine, ou mettant en place une monnaie locale, comme Fortleza au Brésil, ou encore de l’île danoise de Samsø qui produit elle-même son énergie. La liste n’est pas exhaustive. Dans le cas des « villes en transition » (Toronto et Rosario), expression labellisée, nous apprenons que les agriculteurs urbains biologiques sont soutenus par les municipalités, l’une de droite, l’autre de gauche[4], comme quoi la reprise en main par la collectivité de cette activité a des limites, et qu’il faut bien en passer par les hommes et femmes politiques de bonne volonté, quelles que soient les options idéologiques mises en avant. Et comme le dit cet ancien trader reconverti dans l’agriculture à Toronto: « Mais pour créer un changement systémique, il faut que les politiques soient là. »[5] Ce que la réalisatrice du film corrobore de toutes ses forces : « Les politiques les plus à même de mener la transition, ce sont les locaux. »[6] Mais les politiques nationaux, c’est bien aussi. À la question du journaliste « Peut-on se passer des gouvernements nationaux ? », Marie-Monique Robin répond avec conviction et assurance : « Non. On a besoin de leaders politiques éclairés et courageux, et ça, c’est difficile à trouver. »[7] Et de fait, à Rosario, la mise en place de l’agriculture urbaine est une initiative venue des pouvoirs en place. C’est « un ingénieur agronome passionné d’agro-écologie […] qui a convaincu la municipalité de soutenir l’agriculture urbaine comme un moyen de lutte contre l’exclusion sociale. » Le cas de Rosario est une illustration du constat que nous avons déjà fait dans un article paru dans le numéro 18 de Négatif[8], à savoir qu’il s’agit là de la mise en place d’un mode de « gestion » des pauvres, en l’occurrence des victimes de la crise de 2001 en Argentine, auxquels on préfère abandonner quelques terrains qui leur permettent d’assurer leur subsistance plutôt que de les voir emprunter le chemin de la révolte et d’une autonomie véritable. C’est d’ailleurs la municipalité qui fournit les moyens logistiques pour l’acheminement des marchandises vers les marchés. Et, comme la réalisatrice, passons rapidement sur le fait qu’à Rosario un des terrains généreusement accordés par la municipalité consiste en une ancienne décharge publique, puisqu’il a été décontaminé et qu’y poussent désormais des légumes « bio »! Ce n’est pas le degré de sincérité des protagonistes qui est en cause. « Je crois qu’ici c’est la base d’une alternative pour changer le monde », déclare une maraîchère. C’est l’illusion dont ils sont victimes. Qu’ils viennent de Rosario, Toronto, du Danemark ou d’ailleurs, tous ont pour motivation la lutte contre le réchauffement climatique. Ils s’en prennent à la croissance irraisonnée, mais ne remettent jamais en cause de manière radicale la société marchande. Ainsi cet agriculteur de la petite île danoise de Samsø qui produit sa propre électricité au moyen de panneaux solaires et d’une éolienne, qui ne cache pas que son investissement de plus d’un million d’euros a été une bonne affaire et lui rapporte désormais plus que les vaches. Mais alors, de quoi parle-t-on exactement ? Ce que Marie-Monique Robin parvient à nous faire comprendre, c’est qu’on peut fort bien continuer à faire des affaires, être dépourvu de toute ambition politique et sociale, et agir pour la préservation du climat et de l’environnement. On voit bien qu’un tel discours s’adresse d’abord aux « décideurs », qui n’auraient pas à s’inquiéter, et vise à les convaincre qu’une autre économie, plus verte, est possible.[9] Et ce n’est évidemment pas la création d’une monnaie locale et d’une banque « communautaire », comme à Fortaleza, initiative désormais reconnue, acceptée et récompensée tant au niveau national qu’international, qui doit leur causer des tracas supplémentaires. Il s’adresse également à nous tous, afin de nous persuader qu’il ne tient qu’à nous de nous lancer dans l’extraordinaire aventure du maintien du monde de la domination, du monde de la séparation entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui lui serviront de petites mains heureuses en uniforme vert. De surcroît, des emplois miroitent à l’horizon ! Le mot magique est lâché ! Tournons tous nos yeux brillants et remplis d’espoir dans la même direction.

Le film Sacrée croissance, que nous évoquons aujourd’hui beaucoup plus en tant que symptôme que pour son importance intrinsèque, a été diffusé à la télévision sur la chaîne Arte le 4 décembre 2014. Il avait bénéficié d’une promotion à l’occasion de l’interview de la réalisatrice dans le quotidien Libération la veille. Cette même réalisatrice a été ensuite, pendant une heure, l’invitée d’une émission radiodiffusée.[10] C’est beaucoup de temps, beaucoup d’honneur. C’est aussi un signe qui ne trompe pas. Ce sont les médias qui décident de ce qui est digne ou non d’être porté à la connaissance d’un large public parce que sans véritable portée critique. Il n’est pas étonnant que se trouvent aujourd’hui mises en avant une pseudo-critique et des pratiques encadrées par les institutions, digérables par le marché et qui plus est susceptibles de lui redonner de l’allant. On ne peut même pas dire qu’il s’agisse de récupération, comme ce fut le cas dans les années soixante-dix où les classes dominantes durent courir, pendant quelque temps, derrière les idées révolutionnaires surgies en 1968. Cette pseudo-critique a pour effet de décentrer, de détourner de manière préventive la critique efficace du monde existant, la critique qui vise l’essentiel et donc le tout. On met sur le marché une idéologie et son cortège de pratiques intégratrices n’ayant d’autre objectif que de garder dans les limites de la pensée dominante ceux qui pourraient un jour être tentés par une remise en cause globale du monde marchand. C’est ainsi que la sauvegarde de ce dernier, comme dans un clip publicitaire où la plus banale, la plus frelatée des marchandises nous est présentée comme le sésame qui va transformer et embellir nos vies, est vantée comme la plus belle des aventures. La seule possible et souhaitable. Nos sorciers en ingénierie sociale s’appuient, afin que cela fonctionne, sur l’aspiration bien réelle des individus à mener une vie épanouie au sein d’une société qui la favorise, une société dont ils se sentent les éléments moteurs et non les rouages, sur une aspiration à la bonne vie. Mais la première pierre d’un monde nouveau que les protagonistes qui apparaissent dans Sacrée croissance pensent avoir posée est plutôt celle du mur invisible qui séparera – qui sépare déjà – ceux dont n’a plus besoin le turbo-capitalisme des heureux élus.

Le spectacle est le discours ininterrompu que l’ordre présent tient sur lui-même, son monologue élogieux. C’est l’auto-portrait du pouvoir à l’époque de sa gestion totalitaire des conditions d’existence.[11] Ce que tend à faire accroire le film Sacrée croissance, c’est que le monde de la domination porte en lui, comme son propre enfant, une possibilité d’auto-transformation que la maïeutique de la réalisatrice contribuerait à faire naître. Il serait lui-même sa propre alternative. À l’économie de marché, dont la logique n’est pas négociable puisque tout au long du film quelques-uns des termes clé reviennent comme un refrain (nouvelle économie, argent, emploi, etc.), pourrait se substituer… une économie verte de marché. La nécessité de sauvegarder la planète, qui est bien réelle et urgente, devient une menace que l’on fait planer sur nous tous et de fait l’instrument d’une mue du capital à la reproduction duquel nous devrions continuer à consacrer nos vies. Une fois de plus on nous enjoint à tout changer pour que rien ne change.

Extrait de Négatif n°20, février 2015

Notes
[1] Interview de Marie-Monique Robin, à propos de son film documentaire Sacrée croissance, dans le quotidien Libération, du lundi 3 novembre 2014.
[2] Ibid.
[3] Diffusé sur la chaine de télévision Arte, le mardi 4 novembre 2014.
[4] Libération, op. cit.
[5] Extrait du film Sacrée croissance, de Marie-Monique Robin.
[6] Libération, op. cit.
[7] Ibid.
[8] « Des ponts vers le possible », Négatif n°18, mai 2013, p 5.
[9] Cf. l’article « Qu’elle est verte ma monnaie », Négatif n°12, décembre 2009.
[10] « L’Humeur vagabonde », France Inter, 15 décembre 2015 à vingt heures.
[11] Guy Debord, La Société du spectacle, 1971, Champ libre, p 16. Sur le caractère toujours plus totalitaire de la société marchande, cf. « Dans la cage d’un éternel présent ? », Négatif n°16, mai 2012.

Brochure sur le démantèlement des centrales nucléaires

À travers les deux textes proposés ici, nous souhaitons engager le débat en mettant en circulation des informations et des réflexions auxquelles nous avons eu accès et qui nous ont paru suffisamment importantes pour qu’elles soient connues du plus grand nombre.

Démantèlement des centrales nucléaires ? Problème…

Nous ne sommes pas des experts, seulement un groupe d’antinucléaires convaincus qu’il faut tout faire pour obtenir l’arrêt immédiat du nucléaire civil et militaire avant la catastrophe – une catastrophe que même les nucléocrates reconnaissent désormais comme probable en France.

Nous n’avons donc pas les moyens d’amener d’autres éléments que ceux présentés ici au débat entre partisans d’un démantèlement différé et promoteurs du démantèlement immédiat. Mais nous sommes bien convaincus que la mise à l’arrêt rapide et définitif de toutes les centrales permettrait non seulement de limiter l’ampleur des déchets radioactifs que le pouvoir a pris la responsabilité – en faisant taire toutes les oppositions – de laisser en héritage aux générations à naître, mais aussi de mener posément la réflexion collective sur les moyens les plus adaptés de limiter les risques de contamination que la présence inéluctable de ces déchets fait désormais courir à la population. Et que, à l’inverse, le prolongement de vie des centrales voulu par les détenteurs du pouvoir ne peut qu’aggraver des problèmes qu’eux-mêmes – on le comprendra à la lecture de ces textes – ne savent comment résoudre.

JPEG - 125.6 ko

Les risques qui seraient induits par un démantèlement immédiat, tels qu’ils nous sont décrits dans ces textes, sont si énormes que nous nous demandons pour quelles raisons la question du démantèlement des centrales a été jusque-là si peu discutée dans les milieux antinucléaires. Certes, la tentation est grande de se dire : qu’ils gèrent eux-mêmes la merde qu’ils ont créée contre notre volonté. Mais la défaite que nous avons subie au moment où le pouvoir nous a imposé par la force la construction accélérée de 58 réacteurs nucléaires ne justifie pas que nous nous sentions aujourd’hui dispensés de regarder en face les risques supplémentaires que, dans son entêtement aveugle, ce pouvoir assassin va choisir une fois de plus d’imposer à la population, et en premier lieu aux travailleurs du nucléaire, si nous ne faisons rien.

Collectif contre l’ordre atomique
21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris
contre-lordre-atomique(at)riseup.net

Lire la brochure ici

Vu sur Paris-Luttes

[Civaux] Drones : « Le nucléaire est déjà suffisamment inquiétant en soi »

NdPN : alors que l’assemblée nationale prévoit de renforcer son arsenal pénal contre les antinucléaires (intrusions dans les centrales nucléaires passibles de un an de taule et 15000 à 45000 euros d’amende), la menace de survol des centrales nucléaires par des drones est agitée. La Nouvelle République s’en fait le relais. La représentante de l’UFC-Que choisir s’interroge…

La centrale de Civaux face à la menace des drones

Si aucun drone n’a encore été détecté au-dessus du site nucléaire, des mesures de sécurité ont été prises pour répondre à cette menace nouvelle.

 Quinze des dix-neuf centrales nucléaires françaises ont été survolées par des drones au cours des quatre derniers mois. À ce jour, aucune des incursions signalées ne concerne les deux réacteurs de Civaux.

Si plusieurs alertes ont bien été recensées, la présence d’aucun drone n’a été confirmée. « Nous n’en avons pas vu », assurait le directeur de la centrale EDF de la vallée de la Vienne, la semaine dernière. « C’est une question à laquelle on s’intéresse… Des mesures ont été prises, je n’en dirai pas plus. »
Les services de l’État chargés d’assurer la sécurité du site confirment. Et observent la même discrétion sur la réponse apportée à cette nouvelle menace : « Concernant les moyens de protection et de détection mis en place, je ne peux malheureusement vous donner d’informations, ni un représentant de l’État, car tous ces éléments relèvent de documents classifiés «  Confidentiel Défense  » », explique l’adjointe de la responsable du service communication de la préfecture de la Vienne.

«  Des moyens militaires importants ont été déployés  »

La situation est néanmoins préoccupante. Le président de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) a d’ailleurs écrit au ministre de la Défense, en novembre dernier, pour exprimer son désarroi « face aux nombreuses interrogations et inquiétudes légitimes émanant des populations riveraines des installations nucléaires ». « La préoccupation principale dans cette affaire des drones port(e) essentiellement sur la vulnérabilité des piscines des réacteurs et des alimentations électriques », ajoute-t-il, estimant que « d’autres bâtiments pourraient être fragilisés ».
Dans sa réponse datée du 10 décembre, le directeur adjoint du cabinet du ministre explique que « le dispositif de protection autour des installations nucléaires a été renforcé ». « Des moyens militaires importants (jumelles de vision nocturne, systèmes de radiogoniométrie et de télémétrie, hélicoptères) ont été déployés », précise le courrier. Plusieurs groupes de travail interministériels ont par ailleurs été mis en place « afin d’améliorer la capacité de l’État à lutter contre l’emploi des drones à des fins malveillantes ».

«  Une certaine vulnérabilité  »

A Poitiers, le professeur Roger Gil, président de la commission locale d’information (CLI) de Civaux, reconnaît que les survols des centrales « démontrent une certaine vulnérabilité » mais ne privilégie pas la thèse terroriste. « Je me demande si ces drones ne s’arrangent pas pour être vus. On est plutôt dans le registre de la provocation », estime-t-il.
La représentante de l’UFC-Que Choisir au sein de cette même CLI prend également soin de ne « pas faire de catastrophisme ». « Le nucléaire est déjà suffisamment inquiétant en soi », insiste Jeanne-Marie Granger qui s’interroge : « A-t-on affaire à des petits rigolos, à des gens qui veulent vraiment menacer la sécurité ou bien à quelqu’un qui cherche à vendre du matériel de détection des drones ? » C’est toute la question.

Baptiste Bize, Nouvelle République, 5 février 2015