Numéro 1 – 12/2014

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Sommaire :
Les lycéen·ne·s s’auto-organisent : la police et la justice répriment (page 1)
Échos des luttes en cours (page 2)
Une invitation (page 2)
La lutte contre les expulsions passe par une lutte résolue contre l’État (page 3 & 4)
Chroniques de la Justice Ordinaire (page 4)

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Les lycéen·ne·s s’auto-organisent : la police et la justice répriment

Près de 500 élèves de deux lycées de Poitiers ont manifesté, le 16 septembre dernier, contre la fusion de leurs deux cantines. Une initiative qui nous fait plaisir, à l’heure où les politiques d’austérité* nous sont présentées comme inévitables et où il ne semble plus possible à grand monde d’avoir prise sur le politique et donc sur ses conditions de vie.

Mardi 16 septembre, au petit matin, environ 500 élèves (selon les journalistes de France 3 présent·e·s sur place) de deux lycées mitoyens – Auguste Perret et Louis Armand, situés dans un paisible quartier pavillonnaire du Nord-Ouest de Poitiers, la Bugellerie – se sont rassemblé·e·s et sont parti·e·s en manifestation illégale (car non-déclarée) en direction du centre-ville, le tout sous bonne escorte policière.

Pourquoi cette manif ?

Il se trouve que depuis la rentrée de septembre dernier, les élèves d’Auguste Perret n’ont plus de réfectoire et doivent aller prendre leurs repas à Louis Armand. Un avant-goût de la fusion des deux établissements scolaires, prévue par le rectorat pour septembre 2015, et qui annonce sûrement quelques réductions d’effectifs. S’agissant de la cantine, c’est le conseil régional qu’il faut blâmer. Il considère qu’elle est trop vétuste et que la remettre en état coûterait trop cher (800 000 € ; alors que la Région n’est pas disposée à débourser plus de 290 000 € d’après Stéphane Calviac, le Monsieur Éducation de la Région). Qu’on se mette d’accord : les caisses ne sont pas vides, c’est juste que l’argent va ailleurs, dans des projets jugés plus utiles. C’est un problème de choix et de priorités définies par celles et ceux qui détiennent le pouvoir politique. D’ailleurs, une lycéenne, pendant la manif, a résumé très lucidement la chose face à la caméra de La Nouvelle République : « Ils ont de l’argent pour construire des Center-Parcs […] ».

Une coordination entre les deux lycées

L’action a apparemment été prévue la semaine précédente, et coordonnée conjointement par quelques élèves des deux lycées. Et ça c’est loin d’être anodin. En effet les élèves qui sont passé·e·s par l’un de ces deux lycées, ou qui sont encore entre leurs murs, peuvent témoigner de la rivalité historique qui existe entre les deux établissements. Une rivalité qui peut s’expliquer en partie par les différences de milieux sociaux d’où proviennent les élèves. En effet, Louis Armand (ou « la Buge’ du haut » pour les intimes) c’est le lycée des futur·e·s ingénieur·e·s, des filières scientifiques, des classes moyennes supérieures qui travaillent avec le cerveau, tandis que Auguste Perret (ou « la Buge’ du bas ») c’est le lycée pro, des métiers du bâtiment, des prolétaires* qui travaillent avec leurs mains.

Pour illustrer cet état de fait, un lycéen de Louis Armand a jugé bon d’appuyer la mobilisation avec une pétition qui pointait du doigt la « nuisance sonore et visuelle » (Chirac n’aurait pas dit mieux*) que représente pour lui la présence des ses petits camarades d’Auguste Perret dans sa cantine. Peut-être essayait-il, avec ses mots, de faire comprendre aux gestionnaires que des ethos de classe* si différents dans le même réfectoire n’était pas une bonne idée ? Il semblerait que la direction de Louis Armand ait peu goûté la formule et lui ait demandé de retirer cette pétition, qui n’est aujourd’hui plus visible en ligne.

Toujours est-il qu’une manifestation a quand même pu être organisée, et cela apparemment de façon autonome, c’est-à-dire sans le concours d’un parti ni d’une centrale syndicale. Dans le jargon du mouvement ouvrier, on dirait qu’il s’agit d’action directe. Voilà qui n’est pas pour nous déplaire, même si nous aurions évidemment aimé que les événements prennent une tournure moins répressive.

Verrouillage policier

En effet, les manifestant·e·s, parti·e·s de la Bugellerie en direction du centre-ville, ont voulu descendre la rue de la Cueille Mirebalaise – une fameuse montée à sens unique, empruntée par 9000 voitures par jour – à rebours du sens de circulation. Ce que la police, jugeant la chose trop dangereuse, a tenté d’empêcher avec succès. Les manifestant·e·s, sans doute énervé·e·s de ne pouvoir aller où bon leur semblait, ont alors jeté sur la police ce qui leur tombait sous la main (cailloux, pommes et yaourts selon La Nouvelle République). C’est ce qui a « justifié » par la suite que dix personnes – des lycéen·ne·s uniquement, selon le Directeur Départemental de la Sécurité Publique (DDSP) Jean-François Papineau – soient arrêtées plus tard dans la manif et placées en garde-à-vue. Sept d’entre elles ont été présentées au parquet et ont fait l’objet d’un rappel à la loi. Trois autres ont dû (ou vont très bientôt) faire face à une composition pénale. Il s’agissait sans doute, pour les chiens de garde de l’ordre social bourgeois, de rappeler que deux seules voies sont tolérées, la résignation pure et simple et/ou l’action politique respectant la loi et les cadres fixés par les classes dominantes. Hors de cela, la réponse des forces de maintien de l’ordre (social) est féroce. Les lycéen·ne·s qui l’ignoraient encore sont désormais prévenu·e·s.

Le reste de la manifestation a été assez calme. Les quelques cent lycéen·ne·s encore présent·e·s ont pu gagner la place d’Armes et y faire un sit-in. Et une délégation a été reçue par le président de la Région, Jean-François Macaire, une figure politique de Poitiers. On imagine bien qu’il n’est pas ressorti grand chose de cet entretien.

Ce que nous avons envie de retenir de tout ça, c’est que malgré le climat social pacifié et apparemment résigné qui règne en France en cette fin d’année 2014, on peut encore voir des initiatives autonomes comme celle-ci être organisées par des lycéen·ne·s – et ce en l’absence de tout mouvement national – qui osent remettre en cause la dégradation de leurs conditions de vie. Et que bien que cette dégradation soit présentée par tous les partis politiques au pouvoir et tous les grands groupes de presse comme une fatalité – au nom de la rigueur budgétaire* et de la crise économique* – il se trouve quand même quelques illuminé·e·s pour la combattre.

On biche et on en redemande !

* Austérité : Politique visant à réduire la dépense publique ou à accroître les contributions (taxes et impôts)

* Prolétaire : Est prolétaire celui ou celle qui ne possède ni capital ni moyens de production et doit donc, pour subvenir à ses besoins, avoir recours au travail salarié.

* Jacques Chirac, quatre ans avant de devenir président de la République française, s’est illustré par un discours lors d’un meeting du RPR, l’ancêtre de l’UMP, où il laissait entendre que les braves populations laborieuses « de souche » de la Goutte d’Or, un quartier de Paris, étaient exaspéré·e·s par la présence bruyante et odorante des immigré·e·s dans leurs immeubles. Ce discours est resté dans les annales de la politique et est un peu le précurseur des « dérapages » racistes actuels de la classe politique. Le groupe toulousain Zebda en a fait une chanson, « Le bruit et l’odeur » qui reprend des extraits de ce discours.

* Ethos de classe : Manière d’être sociale d’un individu (vêtement, comportement) envisagée dans sa relation avec la classe sociale de l’individu et considérée comme indice de l’appartenance à cette classe.

* Rigueur budgétaire : L’application d’une politique de réduction des déficits publics.

* Crise économique : selon les économistes, phase (cyclique) de ralentissement voire de récession de la valeur produite. Selon le marxisme, ces “crises” résident dans l’existence même du capitalisme, du fait de ses contradictions internes. En effet, si la croissance du capital est un impératif pour les investisseurs, elle sape aussi ses propres bases, car l’extraction de profit exige de réduire la part relative allouée aux salaires (directs ou indirects), ce qui appauvrit les prolétaires, et d’intensifier la course technologique en vue de contracter les coûts de main-d’oeuvre. Du coup, la marchandise ainsi produite s’écoule de plus en plus mal puisque le prolétariat est tendanciellement appauvri et précarisé. D’où surproduction et baisse du taux de profit dans la production présente, et spéculation financière sur la production future puisque la présente ne suffit pas. Le tout conduisant à des “bulles spéculatives” appelées à s’effondrer, faute de correspondance avec la production réelle. La “crise” est donc aussi un mode de restructuration indispensable au capitalisme, lui permettant de se purger des champs de production qu’il a épuisés, et de coloniser et défricher de nouveaux secteurs de la société et de la planète, avec l’aide des États. Depuis les années 1970, la “Crise économique” est même devenue un mode de gouvernement permanent, une stratégie de destruction violente et délibérée de nos maigres repères sociaux, permettant aux dominants de nous terroriser et de frapper de confusion nos résistances potentielles, afin de nous imposer l’extension de leur domination sur toutes les sphères de nos vies.

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Échos des luttes en cours

Rémi Fraisse, ni oubli ni pardon

À Poitiers, deux manifestations, à l’appel du comité poitevin contre l’aéroport de NDDL et son monde, ont été organisées en réaction à la mort de Rémi Fraisse, tué par la grenade offensive d’un gendarme mobile alors qu’il participait à une journée d’action contre le projet de barrage de Sivens dans le Tarn.

Une première manif a rassemblé, lundi 27 octobre, une petite cinquantaine de personnes. Petit cortège tranquille dans les rues piétonnes ; seuls trois uniformes ont accompagné le cortège d’assez loin. Les manifestant·e·s en ont profité pour faire un passage par le centre commercial des Cordeliers.

La deuxième manif, jeudi 30 octobre, a rassemblé près de cent personnes. Elle a été précédée d’une discussion. Un cortège plus dynamique, qui a un peu rompu avec le cérémonial militant en descendant à la gare et en empruntant le boulevard du Grand-Cerf. Un cortège plus fliqué aussi, escorté par des flics de la BAC et autres flics en civil. Arrivé porte de Paris, le dispositif policier s’est fait plus imposant et, décrétant que la manifestation s’achevait là, a fait progressivement se rabattre le cortège – qui ne comptait plus qu’une petite cinquantaine de personnes – sur le trottoir du boulevard Chasseigne.

Ce moment correspondant étrangement à l’arrivée du grand chef des poulagas Jean-François Papineau, bizarre non ? Quelques flics ont ensuite créé un beau bordel en se jetant parmi les manifestant·e·s – ou plutôt un petit groupe de personnes massées ensemble sur le trottoir – ceci afin d’embarquer ceux qui ouvraient un peu trop leur gueule. Ce qui a provoqué une petite cohue et a permis aux flics de jouer un peu de la matraque et de marquer les corps et les esprits.

Au final, trois interpellés ont passé 24 heures en garde-à-vue, deux d’entre eux sont convoqués en justice le 3 mars pour « outrage, violence, résistance violente, refus de prélèvement ADN, et autres conneries ». Une pile de tracts ainsi que deux banderoles ont été volées aux manifestant·e·s par les flics. Une sale habitude à Poitiers. Une personne s’est aussi fait confisquer son appareil photo. Celles et ceux qui restaient du cortège, plutôt que de rentrer dans leurs pénates, ont préféré se regrouper devant le commissariat, un geste de solidarité qui n’a l’air de rien mais qui montre qu’on ne se dissocie pas des camarades que la police a choisi de réprimer pour faire un exemple, un geste qui fait bien plaisir et qu’on espère revoir à Poitiers.

Bas les pattes sur Kamel !

Le 9 octobre dernier, Kamel, un lycéen camerounais d’Auguste Perret, a été convoqué au commissariat de Poitiers. Entendu dans le cadre d’une audition libre, il est ensuite placé en garde-à-vue. Le prétexte invoqué est que Kamel, qui est aussi pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance, mentirait sur son âge. Il ne serait pas mineur, et aurait donc fait usage de faux selon la loi bourgeoise. Des tests osseux en attesteraient ainsi qu’une lettre anonyme en provenance du Cameroun. La préfecture pensait profiter de ça pour expulser tranquillement le jeune homme au Cameroun.

Les flics qui l’ont convoqué lui ont d’ailleurs demandé de se présenter au commissariat avec ses bagages. Sauf que pendant qu’il était entre les mains de la police poitevine, une trentaine de personnes attendaient, en soutien, devant le commissariat. Le soir même elles ont appris le placement de Kamel au Centre de Rétention Administrative de Bordeaux. De même que les personnels du lycée Auguste Perret. Qui ont réagi au quart de tour, en organisant une réunion le lendemain matin, où il a été décidé d’organiser une manif le jour même. Le mot a tourné suffisamment pour qu’à 13 heures, deux cents personnes – des profs, des CPE, des pion·ne·s, des élèves, des syndicalistes, des membres d’assos – soient présentes devant le lycée pour une manif en direction de la préfecture.

Elle a été encadrée par un dispositif policier assez hallucinant, et par une partie du personnel d’Auguste Perret. La crainte était que la manif ne déborde comme celle du 16 septembre dernier (voir à ce propos notre article en une). Mais elle a été très calme de bout en bout. Dans les jours qui ont suivi, la mobilisation est un peu retombée. Les vacances scolaires ont joué leur rôle. Et puis la nature très « tenue » de la mobilisation – qui part de l’établissement, qui n’a pas la volonté de pous-ser les lycéen.ne.s à auto-organiser la défense de leur condisciple – a dû jouer aussi.

Cela dit, des élèves d’Auguste Perret se sont quand même rendu.e.s de leur propre initiative au rassemblement mensuel de soutien aux migrant·e·s, le mercredi 5 novembre, et ont décidé avec des militant·e·s d’organiser une nouvelle manifestation, deux jours plus tard, devant le lycée. Manifestation qui ne partira jamais, Kamel étant libéré après 29 jours en CRA. Il reste néanmoins sous la menace d’une Obligation de Quitter le Territoire Français. Restons mobilisé·e·s !

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Une invitation

Nous voulons vivre libres, éveillé·e·s, jouir et aimer. Mais nos vies quotidiennes sont un cauchemar entre deux espérances brisées. Cessons enfin de nous com-porter en coupables, nous ne sommes pas responsables de notre misère, nous ne le sommes que de notre désir d’en finir avec elle. Nous ne serons jamais libres tant que les systèmes de domination, d’exploitation et d’aliénation nous écraseront.

Nions aux dominants, à tous ceux qui prétendent le devenir et à leurs larbins le droit de décider à notre place, de nous déresponsabiliser et de nous contraindre. Rejetons les institutions étatistes, leurs élections de gestionnaires de la misère, leurs tutelles, leurs drapeaux et leurs frontières, leur monopole de la violence et leurs guerres destructrices, leurs appareils « sociaux », policiers, judiciaires, carcéraux. Organisons-nous sans chefs ni représentants ni partis. À toutes les échelles sociales, du quartier jusqu’à l’autre bout du monde, désobéissons ensemble, partageons nos réflexions et nos désirs, pre-nons nous-mêmes les décisions qui nous concernent ; à défaut d’unanimité, associons-nous librement. Que nos éventuel·le·s mandaté·e·s rendent compte et soient ré-vocables. Apprenons à vivre ensemble.

Sabotons la privation organisée, la propriété hégé-monique, le travail salarial, le productivisme industriel, les grands projets sociocides et écocides, l’argent, la marchandisation des hommes, du vivant et du monde. Organisons-nous pour destituer les possédants et nous réapproprier nos lieux de vie, les espaces et les biens communs, pour questionner nos besoins réels, décider de nos activités, tisser des liens fraternels. Réapprenons à vivre en harmonie avec l’écosystème planétaire dont nous faisons partie intégrante. Prenons soin de nous et de notre monde.

Débarrassons-nous sans regret des morales éducatives disciplinaires et castratrices, des dogmes transcendants et élitistes, religieux ou laïques. Déconnectons-nous du spec-tacle médiatique. Défendons-nous pied à pied contre les schémas et les violences patriarcales, racialistes, âgistes et validistes, qui nous enferment quotidiennement dans des rôles fictifs et nous amputent de nous-mêmes. Cette colonisation diffuse des esprits et des sens, imposée sans relâche par un déferlement de discours et d’images d’une vacuité sidérante, n’a pour but que de nous frustrer, d’appauvrir et étouffer nos imaginaires pour nous détourner de nos révoltes, nous résigner à l’impuissance, nous asservir. Réapproprions-nous nos esprits, nos sens et nos corps par la libération créative des mots, des gestes, du voyage et des désirs.

N’ayons plus peur. Expérimentons, ici et mainte-nant, notre émancipation politique et matérielle, intellectuelle et sensible. Devenons irréconciliables avec ceux qui nous dominent, nous dépossèdent et nous méprisent. Leur monde a assez duré. Il n’est pas réformable, assez de temps gâché. Soyons présent·e·s, dès à présent.

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La lutte contre les expulsions passe par une lutte résolue contre l’État

L’État ne cesse d’expulser des migrant.e.s. De ce point de vue, le PS au pouvoir se targue même d’expulser davantage que sous Sarkozy, avec un nombre d’expulsions record. Valls exhorte les préfets à expulser les débouté.e.s du droit d’asile, et réduit les aides au retour. On voit bien là les limites d’un “antiracisme unitaire et républicain” main dans la main avec le PS, se contentant de dénoncer le Front National… alors que tous les partis institutionnels pratiquent de fait une politique coloniale et xénophobe depuis des lustres ! Qui a créé les centres de rétention administrative, si ce n’est le PS ? Face à cette politique odieuse de l’État, quelle que soit sa couleur politique, il est stérile d’appeler les autorités à “plus d’humanité”. Il convient de comprendre les raisons structurelles deleurs “politiques d’immigration” qui discriminent par nature les migrant.e.s, de s’organiser et d’agir en conséquence.

L’argument fallacieux du “coût de l’immigration”

L’argument bidon principal des gouvernements successifs, évoqué par les partis qui se sont succédés au pouvoir aussi bien que par le Front National qui y aspire, est de nature économique : l’immigration coûterait trop cher à l’État et donc aux contribuables français. Or il s’agit d’un mensonge délibéré. Cet argument, qui consiste à légitimer de briser des vies humaines pour cause de non-rentabilité, est déjà assez odieux en lui-même, et tristement révélateur du type de société qu’on nous impose au quotidien. Mais en plus, il ne tient même pas la route. Comme le rappelle un audit du Parlement : “la contribution aux budgets publics des immigrés est positive”. Les migrant.e.s rapportent même bien davantage au budget national que les nationaux, car s’ils sont un peu plus nombreux au chômage, ils cotisent pour la retraite et la santé, bien plus lourds en termes de budget que celui des prestations chômage. Or, la part de la population active chez les migrant.e.s étant nettement supérieure à la moyenne des nationaux, les migrant.e.s en général recourent sensiblement moins à ces prestations sociales. Sans parler du paiement de la TVA, part importante du budget de l’État, versée par les migrant.e.s pour tous leurs achats courants… aussi bien que par les nationaux.

L’autre argument bidon, c’est l’emploi : les migrant.e.s prendraient le travail des nationaux, ce qui pèserait sur l’économie et les chiffres du chômage, dans un raccourci absurde du type “X immigrés = X chômeurs en France”. En réalité, la plupart des migrant.e.s occupent des emplois non désirés par les nationaux, par ailleurs fort utiles à ces derniers… De plus, leur pouvoir d’achat crée de fait de la consommation… et donc des emplois pour les nationaux. Enfin, une part importante des migrant.e.s est étudiante, et permet de faire arriver sur le territoire des jeunes déjà bien formé.e.s. Quant à l’argument pour le moins discriminatoire de “l’immigration choisie” voulue par le patronat et les gestionnaires cyniques au gouvernement, il est absurde en terme d’économies budgétaires : non seulement cette politique sélective prive les pays pauvres de leurs jeunes les mieux formé.e.s, mais les migrant.e.s plus qualifié.e.s recruté.e.s ici vivent plus longtemps et gagnent davantage, et percevront donc à terme plus de prestations de retraites et de maladie. Quant à l’immigration familiale, il est démontré que les femmes d’origine immigrée participent massivement aux emplois de garde d’enfant et de ménage, suscitant de la croissance. Pour finir, même l’OCDE invite les États à ne pas fermer leurs frontières, car selon elle l’immigration engendre de la croissance économique !

Laissons donc là ces arguments répugnants consistant à justifier la pression mise par l’État contre les migrant.e.s par des prétextes aussi mensongers qu’inhumains de coûts économiques, aisément retournables contre ceux-là mêmes qui les invoquent. D’ailleurs, les États expulsent relativement peu de migrants “illégaux” chaque année : autour de 10% de la population immigrée dite “clandestine”. Ils savent donc qu’il y a un intérêt économique à garder une population immigrée “illégale” dans le territoire. Pourquoi donc les gouvernants, bien au fait de ces chiffres, mettent-ils tous donc une telle pression policière et judiciaire sur des migrant.e.s demandant à vivre en France, après avoir choisi de les mettre en situation d’illégalité ? Il y a deux raisons principales à cela.

Baisser le coût de la main-d’œuvre en général pour augmenter le taux de profit

Les patrons ont intérêt à avoir la main-d’œuvre la moins chère possible, ce qui implique des salaires et des droits du travail moindres. Et moins de coûts de formation à assumer en interne lorsqu’il s’agit de migrant.e.s qualifié.e.s, dont l’éducation a été menée dans leurs pays d’origine. Le fait de traquer les migrant.e.s, d’en déclarer un grand nombre “illégaux”, de débouter l’immense majorité des demandeurs d’asile politique, bref d’instaurer une législation discriminatoire les concernant, n’a en réalité pour seul but que de mettre une pression forte sur les migrant.e.s à l’embauche. Cela les contraint à accepter des contrats qui, déclarés ou non, sont largement sous-payés, avec des conditions de travail détériorées. Cela permet aussi, indirectement, de tirer à la marge la rémunération des nationaux vers le bas, concernant les types d’emplois (minoritaires, on l’a vu) partagés par les migrant.e.s et les nationaux.

De plus, la fermeture et la militarisation des frontières, qui préserve un différentiel délibéré en matière de droit du travail et de salaires entre les États, de part et d’autre de ces frontières, permet aux multinationales de délocaliser pour engranger davantage de profits, en faisant jouer de cyniques “économies d’échelle”.

On voit bien là de quel invariable camp se situent tous les gouvernants de l’État sans exception : celui du patronat. Au contraire, une régularisation totale des “étrangers” vivant en France et une ouverture des frontières profiterait à nous tous, travailleurs vivant ici, quelles que soient nos origines. Les seuls lésés seraient les patrons, grands amis des politiciens, les soutenant et les plaçant au pouvoir…

L’argument puant de “l’identité nationale”

L’autre “argument”, classique à droite en général et hélas de plus en plus évoqué à gauche, consiste à prétendre que l’immigration serait de plus en plus importante en France, et qu’elle menacerait l’identité culturelle des nationaux. Il faudrait en “débattre librement”, ce ne serait plus un “tabou”. Au passage, ces communicants évitent de dire que le nombre des Français émigrant dans d’autres pays est lui aussi important, entraînant un solde migratoire assez faible. Or la part des immigré.e.s en France est stable depuis les débuts de la révolution industrielle, un tiers des nationaux a au moins un arrière-grand parent immigré, l’immigration fait partie intégrante de l’histoire française. C’est que “l’identité nationale” ne saurait reposer, en France, sur des origines ou des particularités culturelles : depuis la révolution, l’identité nationale se réclame, du moins en apparence, de valeurs universalistes et des droits de l’homme.

En apparence car cet universalisme a surtout été le prétexte au colonialisme pour l’État français, qui a occupé, pillé et massacré dans des pays d’Afrique et d’Asie. Un État français qui continue à y protéger ses intérêts financiers, par des interventions militaires et son soutien indéfectible aux dictateurs notoires qui ménagent aux multinationales françaises des contrats juteux. La politique étrangère de l’État français contribue depuis longtemps à maintenir ces pays dans la pauvreté, et continue à s’y employer, mais l’État continue de dire cyniquement qu’il “ne peut pas accueillir toute la misère du monde”. Peu de gens quittent leurs proches et leurs repères de bon cœur : dans l’immense majorité, c’est pour pallier à la pauvreté qu’on leur impose. Notons que les ressources énergétiques consommées en France, à la base de son économie, sont toujours extorquées dans des conditions inhumaines aux populations de ces pays, qu’il s’agisse du pétrole ou de l’uranium. Que nombre de produits de consommation courante, ou des produits de base de l’industrie, sont fabriqués dans des conditions épouvantables par des salarié.e.s surexploité.e.s dans d’autres pays… y compris par des multinationales françaises. Que les politiques d’ajustement structurel imposées aux pays du Sud par les États du Nord (dont la France), maintiennent délibérément les populations dans la dette et la misère.

La question ne se pose donc pas de savoir si les gouvernants sont “racistes” ou non, mais de comprendre pourquoi ils recourent à des arguments relevant idéologiquement de la discrimination xénophobe et raciste. Il s’agit bien, sous couvert d’un “débat décomplexé et légitime”, en laissant supposer que les migrant.e.s seraient des “profiteurs du système” sur le dos des natio-naux, d’instiller la xénophobie et le racisme parmi la population, et de jouer à fond la carte de la division des exploité.e.s, afin de nous détourner d’une légitime colère contre les mêmes exploiteurs qui nous oppriment, les patrons et les politiciens. De même, les pouvoirs et leurs relais médiatiques ne cessent d’entretenir le “débat” sur l’islam, une religion privée qui ne regarde que les gens qui le pratiquent, en agitant une menace islamiste. Les propos insoutenables d’une bonne part de la classe politique (dont le premier ministre PS Valls) sur la prétendue incapacité des Roms à s’intégrer relèvent du même discours nauséabond.

Pendant ce temps-là, on ne parle pas des subventions massives, directes ou indirectes, accordées par les gouvernements successifs en faveur du patronat, ni du détricotage systématique de nos droits. Le PS a démontré par le CICE et le “pacte de responsabilité” que sa solidarité allait au patronat, à coup de dizaines de milliards de détournement d’argent public en sa faveur.

L’illusion d’un changement de politique migratoire de l’État

Alors de fait, l’État allié du Capital peut-il être sommé de faire “une autre politique d’immigration” plus “humaine” ? C’est ce que réclament certains partis de gauche et d’extrême-gauche aspirant au pouvoir, militant au sein de “collectifs citoyens” de “soutien aux étrangers”, dénonçant “l’illégalité” et ou les “irrégularités” de telle ou telle procédure d’expulsion… comme si l’État se souciait de respecter des lois qu’il n’édicte que contre nous ! Par ailleurs, cette tactique peut se retourner contre notre lutte pour la liberté totale de circuler ; par exemple, si nous luttons contre l’expulsion d’un ly-céen uniquement en invoquant la loi qui interdit d’expulser des mineurs, si notre argumentaire se limite à remettre en question la validité d’expertises osseuses prétendant que ce lycéen est majeur, on cautionne malgré nous, et de fait, non seulement ce genre de procédure ignoble de flicage des corps, mais aussi l’expulsion des élèves majeurs, ce qui est tout aussi insupportable et honteux !

Non seulement nous ne croyons pas l’État réformable, mais nous affirmons que cette croyance est une illusion mortelle, introduisant de la confusion dans toutes nos luttes sociales. Certes il est utile de se battre à chaque expulsion, et d’utiliser parfois des arguments juridiques ; mais si nous nous en contentons, si nous ne portons pas une solidarité et des pratiques de lutte plus globales, si nous ne débordons pas le cadre institutionnel, si nous restons esclaves des outils mêmes de l’oppresseur, nous ne pourrons jamais gagner la liberté. C’est cette analyse libertaire que nous souhaitons ici rappeler sans concession.

Si c’est le capitalisme qui induit la traque des immigré.e.s, comme nous l’avons démontré, il faut aussi combattre son allié indéfectible : l’État. En effet l’institution étatique est indissociablement liée, aussi bien historiquement que structurellement, au développement, au fonctionnement et à la préservation du système capitaliste, depuis la privatisation des communaux et l’esclavage il y a plusieurs siècles. Il ne peut y avoir de capitalistes qui dépossèdent économiquement les humains de leurs espaces de vie et des moyens de production, que s’il y a des gouvernants chargés de les déposséder politiquement en décidant à leur place selon leur bon vouloir, sous un vernis mensonger de “démocratie”. Et inversement.

Le rôle de l’État dans l’existence même du capitalisme est incontournable ! C’est lui qui établit et garantit le cours de la monnaie, qui légifère les conditions mêmes de l’exploitation salariale, qui défend par les armes la propriété privée capitaliste des moyens de production, qui s’empare par ses armées coloniales des ressources nécessaires à l’industrie capitaliste, qui paie les infrastructures nécessaires à la production et à l’échange des marchandises, qui offre des marchés juteux aux batisseurs de grands projets inutiles et nuisibles, qui privatise des pans entiers de l’activité humaine et ne nationalise que lorsque cette activité n’est plus assez ren-table, qui renfloue les banques et “endette” à vie la population entière quand il s’agit de préserver les profits bancaires… et qui traque les êtres humains qu’il estampille “étrangers clandestins” à coups d’arrêtés préfectoraux.

La triste preuve, si besoin est, que les partis de “gauche” (contestant par de beaux discours humanistes les politiques actuelles d’immigration) ne font pas mieux lorsqu’ils obtiennent une once de pouvoir minable, ne serait-ce qu’à l’échelle locale, sur les populations : des municipalités Front de Gauche ou Europe Écologie les Verts expulsent elles aussi des campements roms (Saint-Denis, Montreuil…), démontrant qu’elles participent sans complexe à la même répression des mi-grant.e.s “illégaux”.

Comme le capitalisme se fonde sur l’exploitation maximale de la main-d’œuvre salariée, la traque aux “immigrés illégaux” (décrétés tels par ses services préfectoraux) continuera tant que perdurera l’institution étatique, avec ses frontières, ses centres de rétention administrative, ses flics expulseurs et ses bidasses mercenaires colonialistes. Demander à l’État une régularisation totale des migrant.e.s est une chimère, tant que l’État et son pendant économique capitaliste existeront : seul le fédéralisme libertaire peut nous permettre de nous organiser, ici comme à l’échelle mondiale, sans État ni exploitation, pour en finir avec toutes les sales frontières qui divisent les êtres humains.

Lutter contre les frontières, lutter contre l’État !

Aussi ne suffit-il pas de dénoncer çà et là des expul-sions avec les arguments juridiques des autorités qui expulsent ; aussi est-il vain de réclamer plus d’humanité auprès d’institutions dont la nature et l’existence dépendent de notre dépossession. Seule une lutte autonome des exploité.e.s, d’ici ou d’ailleurs, résolument dirigée contre l’oppression étatiste et capitaliste ici et ailleurs, peut nous permettre enfin de vivre libres, d’habiter et de voyager librement.

Une solidarité internationaliste conséquente avec les migrant.e.s passe par la lutte claire et déterminée, ici et dans le monde entier, contre les institutions étatistes et capitalistes perpétrant leurs exactions contre les sociétés humaines.

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Chroniques de la Justice Ordinaire

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Présentation

Nous sommes un groupe de personnes venant d’horizons divers et qui avons connu le milieu de la justice de façons différentes. Après nous être toutes et tous familiarisé-e-s avec ce qui se passe dans un tribunal, nous nous sommes retrouvé-e-s autour d’une idée, celle de rendre compte de nos observations de cet enchaînement “d’affaires” du quotidien judiciaire.

Pour nous, c’est aussi l’idée que les procès que nous connaissons pour y avoir été figurant-e ou y avoir soutenu un-e pote ne sont pas plus politiques que tous ceux qui ont lieu chaque jour dans l’enceinte judiciaire. Qu’elles agissent envers des militant-e-s ou sur des personnes plus isolées, la justice et la police occupent toujours les mêmes fonctions : trier le bon grain de l’ivraie, déterminer sous quelle forme le couperet judiciaire doit s’abattre sur celles et ceux qui osent remettre en cause tel ou tel aspect de l’ordre social et lesquel-le-s doivent rester sous contrôle étatique.

Notre démarche consiste non pas à rendre des comptes rendus détaillés et complets des procès, mais plutôt à rendre compte d’une ambiance, porter un regard différent sur le prévenu et saisir ces moments qui nous semblent mettre en évidence une justice à l’occasion de laquelle la parole de celles et ceux qui y font face semble déconsidérée ou méprisée.

L’idée n’est pas non plus de revendiquer une justice plus “juste”, mais bien de proposer une autre version des faits, bien éloignée de ce que les commentateurs journalistiques nous donnent à voir au quotidien, spécialistes des chiens écrasés et autres gros titres à scandale. Et qui sait, peut-être nous donner des outils pour mieux nous défendre face à la répression…

Audience 2

M. Martin passe pour la troisième fois devant la justice qui lui reproche d’avoir pris la voiture après avoir consommé de l’alcool et du cannabis. Le procureur lui a d’abord proposé, comme alternative à un procès, le paiement d’une grosse amende. Il a refusé et s’est donc retrouvé devant le tribunal correctionnel qui l’a condamné à une amende de 300 euros et à une suspension de permis de conduire pour une durée de 6 mois. Contestant les faits qui lui sont reprochés, il a fait appel.

Quelques mois plus tôt, lorsqu’ils le contrôlent sur une petite route de campagne, les policiers « remarquent des rougeurs dans ses pupilles ». Ils lui demandent s’il a consommé des stupéfiants ce à quoi il répond qu’il a « passé la soirée en compagnie d’amis qui fumaient mais que lui n’a pas fumé ». Qu’à cela ne tien-ne, les policiers le soumettent à un test d’alcoolémie et à un test de détection salivaire. Le premier révèle un taux d’alcoolémie légèrement supérieur à la limite autorisée (0,33 mg par litre d’air expiré pour 0,25 mg autorisé), le second de légères traces de THC (substance active du cannabis)

À la question de la juge de savoir s’il consommait des produits stupéfiants, il répond qu’il est un « con-sommateur passif », souvent entouré de fumeurs mais ne fumant pas lui-même. Cependant, pour la juge, l’affaire est déjà dans le sac d’autant que l’expert qui a été interrogé suite aux analyses urinaires a considéré que son taux de THC était « révélateur d’une consommation effective ».

Afin de lui montrer l’implacabilité de son intime conviction, elle lui demande comment il explique la présence d’alcool dans son sang, ce a quoi il répond qu’il avait bu … Comprenez : si vous avez de l’alcool dans le sang parce que vous avez bu, vous avez donc également du THC dans le sang parce que vous avez fumé ! Elle clôt l’interrogatoire de manière péremptoire : « les faits sont somme toute très simples ». Ce qui semble également être de l’avis de l’avocat général qui, dans ses réquisitions, s’étonne que M. Martin ait fait appel dès lors que la seule chose qu’il aurait à y gagner serait une aggravation de sa peine.

L’avocat plaide la relaxe : M. Martin n’a eu de cesse de le répéter, il ne consomme pas de cannabis et la quantité de THC dans le sang est trop infime pour considérer que l’infraction est caractérisée. C’est peine perdue, la Cour d’appel confirme le jugement du Tribunal correctionnel : il devra mettre 300 euros dans les caisses de l’État et n’aura plus le droit de conduire pour 6 mois !

Audience 3

Le prévenu, qui doit comparaître devant la chambre des appels correctionnels, est absent mais la présidente dit qu’il aurait reconnu tous les faits dont elle commence la synthèse : « M. Mohamed a ba non, pardon, Hamed c’est son patronyme, enfin je pense ».

Le prévenu a trois mentions sur son casier judiciaire pour des faits de violence, de rébellion ou d’outrage pour lesquels ils s’est déjà pris plusieurs mois de sursis assortis d’une obligation de soins et d’une obligation de travail. Il lui est reproché d’avoir résisté avec violence à une intervention des forces de police et de les avoir ou-tragé en les affublant de quelques quolibets : « espèce de PD, connard, sale merde, fils de pute ». Le Tribunal correctionnel l’a condamné à deux mois fermes et à 100 euros de dommages et intérêts. Considérant que c’était un peu cher payé les trois insultes, il a fait appel.

Tout commence dans le bus, au cours d’un contrôle des agents de la compagnie de bus. Il n’a pas de titre, pas ses papiers d’identité et est alcoolisé. Les agents de contrôle appellent les forces de l’ordre qui le plaquent au sol – « il sera légèrement égratigné, sûrement en raison de ce plaquage » précise la présidente – puis l’emmènent au commissariat où, après avoir été placé en dégrisement, il refuse de sortir de cellule. Il était tellement « remonté » et « agité » qu’un policier aurait été « contraint » de « s’asseoir sur lui » (1) raconte sereinement la juge …

Il a déclaré dans sa déposition que les contrôleurs l’ont énervé car ils ne voulaient aucun arrangement de paiement ; il avait proposé de régler une partie de l’amende en liquide mais ça ne leur a pas suffi. Il a ajouté que « les policiers étaient agressifs et [le] menottaient beaucoup trop serré » et qu’il « s’énerve facilement quand il a bu, comme tout le monde ».

Le procureur requiert la confirmation de la peine de 2 mois, ce qui est « un minimum face à un comportement aussi inadmissible par rapport aux forces de l’ordre ».

Son avocate plaide qu’il n’est pas un « délinquant », que toutes ses condamnations se rapportent aux mêmes types de fait : il est violent lorsqu’il consomme de l’alcool. « Dans la vie, c’est un type normal, sympa pas violent mais quand il boit il ne se contrôle plus ». D’où sa conclusion : « c’est un type qui a sûrement besoin de soin et d’un suivi » mais, elle ne voit pas l’intérêt de le mettre en prison, « ni pour lui, ni pour la société ». Certes, « il est au RSA et ne contribue pas à la communauté mais ce n’est pas un délinquant ».

Point d’orgue de cette défense infaillible, alors que personne ne l’avait évoqué avant, l’avocate rappelle à la juge qu’il faudra aussi se prononcer sur la révocation du sursis prononcé à l’occasion de précédents procès … et d’envisager, du coup, un éventuel séjour à l’ombre !!

« La décision est remise à plus tard ! »

(1) : Méthode policière qui, bien que traditionnelle, n’en est pas moins théoriquement interdite.

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