Aux avant-postes du décentrage de la critique

Logo EELJv2.cleanedLe dévoiement du langage est une entreprise consciente, une entreprise de maintien de l’ordre. Les mots font penser aux champignons. Certains sont vénéneux. Il en suffit de quelques-uns, voire d’un seul, pour empoisonner un discours tout aussi sûrement qu’un champignon rend le contenu du panier impropre à la consommation.

Prenons un exemple. Vous lisez la phrase suivante : « [L’idée est de] faire en macroéconomie ce que fait n’importe quelle entreprise : tenir compte de l’état de son capital. »[1] On pourra naturellement nous reprocher de l’avoir retirée de son contexte. Mais tout de même, ces mots, « macroéconomie », « entreprise », « capital », les emploierait-on ainsi, même dans un sens métaphorique pour les deux derniers, si l’on avait l’intention de formuler des objections contre la macroéconomie, l’entreprise, le capital ? Et si l’on s’était donné pour but de critiquer la société marchande, aurait-on osé jeter les bases d’un aussi noble projet que « de redonner à l’argent sa valeur d’échange »[2] ? Mais tel n’est manifestement pas l’objectif de Marie-Monique Robin, la réalisatrice du film documentaire Sacrée croissance.[3] Et pourtant ! Ce film se présente comme une exploration des alternatives d’ores et déjà existantes au monde de la « croissance », responsable des désastres écologiques et climatiques présents et futurs, à travers l’exemple de villes favorisant l’agriculture urbaine, comme Toronto au Canada et Rosario en Argentine, ou mettant en place une monnaie locale, comme Fortleza au Brésil, ou encore de l’île danoise de Samsø qui produit elle-même son énergie. La liste n’est pas exhaustive. Dans le cas des « villes en transition » (Toronto et Rosario), expression labellisée, nous apprenons que les agriculteurs urbains biologiques sont soutenus par les municipalités, l’une de droite, l’autre de gauche[4], comme quoi la reprise en main par la collectivité de cette activité a des limites, et qu’il faut bien en passer par les hommes et femmes politiques de bonne volonté, quelles que soient les options idéologiques mises en avant. Et comme le dit cet ancien trader reconverti dans l’agriculture à Toronto: « Mais pour créer un changement systémique, il faut que les politiques soient là. »[5] Ce que la réalisatrice du film corrobore de toutes ses forces : « Les politiques les plus à même de mener la transition, ce sont les locaux. »[6] Mais les politiques nationaux, c’est bien aussi. À la question du journaliste « Peut-on se passer des gouvernements nationaux ? », Marie-Monique Robin répond avec conviction et assurance : « Non. On a besoin de leaders politiques éclairés et courageux, et ça, c’est difficile à trouver. »[7] Et de fait, à Rosario, la mise en place de l’agriculture urbaine est une initiative venue des pouvoirs en place. C’est « un ingénieur agronome passionné d’agro-écologie […] qui a convaincu la municipalité de soutenir l’agriculture urbaine comme un moyen de lutte contre l’exclusion sociale. » Le cas de Rosario est une illustration du constat que nous avons déjà fait dans un article paru dans le numéro 18 de Négatif[8], à savoir qu’il s’agit là de la mise en place d’un mode de « gestion » des pauvres, en l’occurrence des victimes de la crise de 2001 en Argentine, auxquels on préfère abandonner quelques terrains qui leur permettent d’assurer leur subsistance plutôt que de les voir emprunter le chemin de la révolte et d’une autonomie véritable. C’est d’ailleurs la municipalité qui fournit les moyens logistiques pour l’acheminement des marchandises vers les marchés. Et, comme la réalisatrice, passons rapidement sur le fait qu’à Rosario un des terrains généreusement accordés par la municipalité consiste en une ancienne décharge publique, puisqu’il a été décontaminé et qu’y poussent désormais des légumes « bio »! Ce n’est pas le degré de sincérité des protagonistes qui est en cause. « Je crois qu’ici c’est la base d’une alternative pour changer le monde », déclare une maraîchère. C’est l’illusion dont ils sont victimes. Qu’ils viennent de Rosario, Toronto, du Danemark ou d’ailleurs, tous ont pour motivation la lutte contre le réchauffement climatique. Ils s’en prennent à la croissance irraisonnée, mais ne remettent jamais en cause de manière radicale la société marchande. Ainsi cet agriculteur de la petite île danoise de Samsø qui produit sa propre électricité au moyen de panneaux solaires et d’une éolienne, qui ne cache pas que son investissement de plus d’un million d’euros a été une bonne affaire et lui rapporte désormais plus que les vaches. Mais alors, de quoi parle-t-on exactement ? Ce que Marie-Monique Robin parvient à nous faire comprendre, c’est qu’on peut fort bien continuer à faire des affaires, être dépourvu de toute ambition politique et sociale, et agir pour la préservation du climat et de l’environnement. On voit bien qu’un tel discours s’adresse d’abord aux « décideurs », qui n’auraient pas à s’inquiéter, et vise à les convaincre qu’une autre économie, plus verte, est possible.[9] Et ce n’est évidemment pas la création d’une monnaie locale et d’une banque « communautaire », comme à Fortaleza, initiative désormais reconnue, acceptée et récompensée tant au niveau national qu’international, qui doit leur causer des tracas supplémentaires. Il s’adresse également à nous tous, afin de nous persuader qu’il ne tient qu’à nous de nous lancer dans l’extraordinaire aventure du maintien du monde de la domination, du monde de la séparation entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui lui serviront de petites mains heureuses en uniforme vert. De surcroît, des emplois miroitent à l’horizon ! Le mot magique est lâché ! Tournons tous nos yeux brillants et remplis d’espoir dans la même direction.

Le film Sacrée croissance, que nous évoquons aujourd’hui beaucoup plus en tant que symptôme que pour son importance intrinsèque, a été diffusé à la télévision sur la chaîne Arte le 4 décembre 2014. Il avait bénéficié d’une promotion à l’occasion de l’interview de la réalisatrice dans le quotidien Libération la veille. Cette même réalisatrice a été ensuite, pendant une heure, l’invitée d’une émission radiodiffusée.[10] C’est beaucoup de temps, beaucoup d’honneur. C’est aussi un signe qui ne trompe pas. Ce sont les médias qui décident de ce qui est digne ou non d’être porté à la connaissance d’un large public parce que sans véritable portée critique. Il n’est pas étonnant que se trouvent aujourd’hui mises en avant une pseudo-critique et des pratiques encadrées par les institutions, digérables par le marché et qui plus est susceptibles de lui redonner de l’allant. On ne peut même pas dire qu’il s’agisse de récupération, comme ce fut le cas dans les années soixante-dix où les classes dominantes durent courir, pendant quelque temps, derrière les idées révolutionnaires surgies en 1968. Cette pseudo-critique a pour effet de décentrer, de détourner de manière préventive la critique efficace du monde existant, la critique qui vise l’essentiel et donc le tout. On met sur le marché une idéologie et son cortège de pratiques intégratrices n’ayant d’autre objectif que de garder dans les limites de la pensée dominante ceux qui pourraient un jour être tentés par une remise en cause globale du monde marchand. C’est ainsi que la sauvegarde de ce dernier, comme dans un clip publicitaire où la plus banale, la plus frelatée des marchandises nous est présentée comme le sésame qui va transformer et embellir nos vies, est vantée comme la plus belle des aventures. La seule possible et souhaitable. Nos sorciers en ingénierie sociale s’appuient, afin que cela fonctionne, sur l’aspiration bien réelle des individus à mener une vie épanouie au sein d’une société qui la favorise, une société dont ils se sentent les éléments moteurs et non les rouages, sur une aspiration à la bonne vie. Mais la première pierre d’un monde nouveau que les protagonistes qui apparaissent dans Sacrée croissance pensent avoir posée est plutôt celle du mur invisible qui séparera – qui sépare déjà – ceux dont n’a plus besoin le turbo-capitalisme des heureux élus.

Le spectacle est le discours ininterrompu que l’ordre présent tient sur lui-même, son monologue élogieux. C’est l’auto-portrait du pouvoir à l’époque de sa gestion totalitaire des conditions d’existence.[11] Ce que tend à faire accroire le film Sacrée croissance, c’est que le monde de la domination porte en lui, comme son propre enfant, une possibilité d’auto-transformation que la maïeutique de la réalisatrice contribuerait à faire naître. Il serait lui-même sa propre alternative. À l’économie de marché, dont la logique n’est pas négociable puisque tout au long du film quelques-uns des termes clé reviennent comme un refrain (nouvelle économie, argent, emploi, etc.), pourrait se substituer… une économie verte de marché. La nécessité de sauvegarder la planète, qui est bien réelle et urgente, devient une menace que l’on fait planer sur nous tous et de fait l’instrument d’une mue du capital à la reproduction duquel nous devrions continuer à consacrer nos vies. Une fois de plus on nous enjoint à tout changer pour que rien ne change.

Extrait de Négatif n°20, février 2015

Notes
[1] Interview de Marie-Monique Robin, à propos de son film documentaire Sacrée croissance, dans le quotidien Libération, du lundi 3 novembre 2014.
[2] Ibid.
[3] Diffusé sur la chaine de télévision Arte, le mardi 4 novembre 2014.
[4] Libération, op. cit.
[5] Extrait du film Sacrée croissance, de Marie-Monique Robin.
[6] Libération, op. cit.
[7] Ibid.
[8] « Des ponts vers le possible », Négatif n°18, mai 2013, p 5.
[9] Cf. l’article « Qu’elle est verte ma monnaie », Négatif n°12, décembre 2009.
[10] « L’Humeur vagabonde », France Inter, 15 décembre 2015 à vingt heures.
[11] Guy Debord, La Société du spectacle, 1971, Champ libre, p 16. Sur le caractère toujours plus totalitaire de la société marchande, cf. « Dans la cage d’un éternel présent ? », Négatif n°16, mai 2012.

[Echillais – 17] 26 janvier au 01 février : semaine de résistance sur la ZAD d’Echillais !

26 janvier au 01 février : semaine de résistance sur la ZAD d’Echillais !

Depuis le 12 janvier, la ZAD (Zone a Défendre) d’Echillais (17) est menacée ! Le tribunal administratif de Poitiers a demandé son expulsion sans délai.

La ZAD fait partie de la lutte contre le projet d’hyper-incinérateur de déchets sur les bords de la Charente.

Pour soutenir la lutte sur place, une semaine du résistance à ce projet inutile imposé et nuisible est organisée du 26 février au 01 février

Au programme (+ d’infos à venir, possibilité de proposer des ateliers) :
constructions / ateliers / jeux infokiosque / discussions concerts / cantines…

Contact et infos :

zoneadefendreechillais.noblogs.org
ZoneADefendreEchillais (facebook)
zadechillais[@]riseup.net

télécharger l’affiche en PDF

L’Hyper-Incinérateur d’Echillais, un projet inutile imposé nuisible

Pourquoi refuser ce projet ?

– mensonges et désinformation sur le projet d’hyper-incinérateur – refus d’écouter les citoyens qui se mobilisent depuis longtemps contre le projet. – augmentation de la pollution des milieux naturels (zones protégées à proximité, classée Natura 2000) – l’incinération est une méthode obsolète, brûler les ordures ne les fait pas disparaître et crée des déchets toxiques en gaz et solides (mâchefer) – un risque sanitaire (production et rejet de dioxines) – le TMB (Tri Mécano Biologique) produit un compost de très mauvaise qualité considéré dans les autres pays d’Europe comme déchet. – un projet coûteux (87 millons d’€uros) – Le TMB est une méthode gourmande en déchets, n’incite pas au tri, à des solutions plus écologiques pour traiter les ordures ménagères.

La lutte en quelques mots…

La lutte contre le projet d’hyper-incinérateur d’Echillais rassemble divers horizons : associations locales comme Pays Rochefortais Alert, élu-e-s de collectivités, personnes vivant ici ou ailleurs. Nous sommes quelque-un-es à participer à la ZAD installée sur le site de ce projet.

Sur place, à notre échelle, nous informons, proposons et faisons vivre des alternatives écologiques, sociales, culturelles à la société actuelle. Nous revendiquons une démarche anti-capitaliste, réellement démocratique.

Des opposant-e-s à l’hyper-incinérateur d’Echillais

Vu sur le site de la ZAD Echillais

[LGV Poitiers-Limoges] « C’est à se demander s’il ne faut pas faire une ZAD (Zone à défendre) pour être pris en compte »

NdPN : voir http://pn86.noblogs.org/?p=13022

LGV Poitiers-Limoges : jeu de dupes sur toute la ligne

La signature surprise de la déclaration d’utilité publique (DUP) de la ligne à grande vitesse a semé l’incompréhension tout au long du tracé.

 Tout semblait réglé et l’histoire a déraillé. Dimanche, Nicolas Bourmeyster et les membres du collectif « Non à la LGV Poitiers-Limoges » ont appris que la déclaration d’utilité publique avait été signée contre toute attente la veille (lire notre édition de lundi). DUP, marché de dupes. « Ce fut une surprise totale, rappelle la figure de proue des opposants. Pour nous, le dossier était enterré. Nous avions obtenu un rendez-vous début décembre au ministère de l’Écologie. Pour justifier son annulation, on nous a dit en substance : «  Ce n’est la peine de vous recevoir puisque le projet est mort. «  Et la DUP est signée quelques heures avant la date butoir ! »

 » Elle est dans le périmètre. C’est foutu  »

Elle était fixée au 12 janvier. Le lendemain mardi, le conseil d’administration du collectif tenait une réunion programmée de longue date. « On s’attendait à fêter ensemble la nouvelle année et la fin de la LGV. » Las. « Je suis effondré. C’est lamentable. Tout le monde est conscient de l’impossibilité de l’État de réunir suffisamment d’argent pour construire cette ligne. C’est une évidence. Malgré cela, le gouvernement passe en force et impose à des populations une décision qui ne sera pas suivie d’effet. Dans l’esprit des politiques, il y a l’idée que l’avis des citoyens ne compte pas. »
A Nieuil-l’Espoir, Claude Bossis a appris la mauvaise nouvelle lundi dans le journal. A Vernon, il avait repris l’exploitation montée par son père dans les années cinquante. L’éleveur ovin, spécialiste des têtes noires, a la tête dure. Aujourd’hui à la retraite, il ne supporte pas l’idée de voir les terres désormais exploitées par son fils Vincent coupées en deux, le travail d’une vie réduit à néant et le terroir qu’il aime mis en péril. « Tous les éleveurs sur le parcours sont dans le même cas. Ce n’est pas possible que l’on vienne tout nous saccager. Pourquoi ? Pour qui ? Nos revendications sont cohérentes. Les gens de la terre sont pragmatiques. Ils savent réfléchir. Regardez Gizay. Le couloir passe entre un hameau important et le bourg. Cette petite commune va perdre toute possibilité de développement. Elle est dans le périmètre. C’est foutu. Gizay va mourir, on l’a condamnée. »
A Vernon, Vincent Bossis élève 400 brebis qui paissent sur 30 hectares de prairie dont neuf sont impactés par le projet LGV. Il ne cache pas son incrédulité et une certaine exaspération. « Cela n’a pas de sens. Mon entreprise est viable, ma fille étudie et doit prendre la suite. Aujourd’hui, tout cela est mis en péril. Les investissements sont réduits à néant. Pour rien, Par le simple fait du prince. »

à chaud

Les opposants organisent la riposte

Lors sa dernière réunion, le collectif « Non à la LGV Poitiers-Limoges » a sonné la remobilisation générale pour organiser la riposte. « Il y a de la colère, de l’incompréhension et une volonté d’en découdre, affirme Nicolas Bourmeyster. On va aller vers un recours au Conseil d’État, c’est clair. On va manifester très rapidement. On va aller voir les politiques, peut-être en force. En fait, on va reprendre les choses telles qu’on les avait laissées… »
« Nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête, souffle Vincent Bossis. C’est aberrant. Affligeant C’est à se demander s’il ne faut pas faire une ZAD (Zone à défendre) pour être pris en compte. »
Son père Claude est tout aussi remonté. « Notre combat est collectif. Il n’y a pas que notre affaire personnelle. Il y a aussi un ensemble économique remis en cause. Il y a le voisinage, la vie du village. Tout au long de la ligne la solidarité s’organise. »

Loïc Lejay, Nouvelle République, 15 janvier 2015

La LGV Poitiers-Limoges déclarée d’utilité publique

NdPN : voilà des années que nous dénonçons le projet de ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges, socialement et écologiquement nuisible, enterré un jour par une large opposition, pour être ressuscité le lendemain. Certains gouvernants ne sont décidément jamais à court d’acharnement pour signer des partenariats public-privé avec les multinationales du béton. Ces élus sont allés jusqu’à solliciter le fait du prince, en l’occurrence le président de la République lui-même, pour court-circuiter les oppositions. Ils en rêvaient, c’est désormais fait : malgré l’avis négatif du conseil d’Etat et le rapport défavorable de la Cour des comptes (qui juge « son coût devenu non soutenable »), ce grand projet « inutile » (apparemment pas pour tous les portefeuilles) et très contesté vient d’être déclaré d’utilité publique ce samedi et publié au J.O. ce jour même, un jour avant la date limite. C’est sans doute cela, la « démocratie ». Ce qui aurait dû susciter un tollé ne suscite étrangement dans la presse qu’un discret écho. Il faut dire que cette déclaration tombe, miracle du calendrier, alors que les flics occupent tous les lieux publics lourdement armés et que tous les médias repassent en boucle et à saturation l’hymne hypocrite de l’unité républicaine, avec en chefs d’orchestre ces mêmes élus se gargarisant de « démocratie » à chaque phrase. Il y en a qui, au milieu du « recueillement de la nation », ne perdent pas le nord de l’intérêt capitaliste (pardon, « public ») ! Il va manifestement falloir bien plus que des recours juridiques pour renvoyer ce projet dans les cordes, face à des gouvernants apparemment décidés à passer en force, et intensifier la lutte contre ce saccage planifié. ZAD partout.

La LGV Poitiers-Limoges déclarée d’utilité publique

La déclaration d’utilité publique (Décret n° 2015-18 du 10 janvier 2015) concernant la LGV Poitiers-Limoges, entre Iteuil (Vienne) et Le Palais-sur-Vienne (Haute-Vienne), vient d’être publiée au Journal officiel et qualifie d’urgents les travaux nécessaires à la LGV (info France 3). Cela, malgré l’avis négatif rendu par le conseil d’Etat ces dernières semaines. Ce dernier remettait en cause l’utilité publique de cette ligne à grande vitesse insistant sur une mauvaise rentabilité du projet. La LGV verra-t-elle pour autant le jour? Pas évident. Les opposants au projet peuvent à nouveau déposer un recours devant le conseil d’Etat.

Nouvelle République, 11 janvier 2015

Mise à jour 12 janvier :

La LGV Poitiers-Limoges déclarée d’utilité publique… malgré tout

L’avis négatif du Conseil d’État n’a pas empêché la publication samedi au Journal officiel d’une DUP pour la LGV Poitiers-Limoges.

La déclaration d’utilité publique (DUP) concernant la LGV Poitiers-Limoges, entre Iteuil et Le Palais-sur-Vienne (Haute-Vienne), a été publiée le 10 janvier au Journal officiel. Le Premier ministre Manuel Valls et la ministre de l’Écologie Ségolène Royal ont signé ce décret « déclarant d’utilité publique et urgent les travaux nécessaires à la réalisation de la ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges ».

Cela, malgré l’avis négatif rendu par le Conseil d’État ces dernières semaines. Ce dernier remettait alors en cause l’utilité publique de cette ligne à grande vitesse insistant sur une mauvaise rentabilité du projet.

«  Juste pour faire plaisir aux caciques du Limousin  »

Un coup de massue pour les opposants dans la Vienne, à l’image de la réaction de Nicolas Bourmeyster, président du collectif Non à la LGV Poitiers-Limoges. « Franchement, c’est une surprise. Je ne pensais pas que le gouvernement aurait l’audace de prononcer cette DUP. Surtout dans les circonstances que connaît notre pays. Qui a envie en ce moment de s’occuper de choses aussi stupides ? »
Pourtant, rien de plus officiel que le Journal officiel… Comment expliquer ce revirement ?
Nicolas Bourmeyster ne décolère pas : « Je ne comprends pas. le Conseil d’État a dit que ce projet n’était pas souhaitable, la Cour des comptes l’estime sans intérêt, on a eu des commissions parlementaires qui ont tiré la sonnette d’alarme… Même la SNCF n’en veut pas ! Et là, par le fait du prince, cette DUP arrive au moment où tout le monde regarde ailleurs. Ils nous parlent du courage des caricaturistes mais eux n’ont aucun courage politique. On est juste en train de faire plaisir à des caciques du Limousin, à quelques semaines des départementales. »
Reste que la DUP est publiée. La LGV verra-t-elle pour autant le jour ? Pas évident. Les opposants au projet peuvent à nouveau déposer un recours devant le Conseil d’État. « Et je ne vois pas le Conseil d’État se contredire… complète l’opposant. Ce qui m’attriste le plus, c’est qu’avec cette DUP, les biens des personnes proches du tracé perdent la moitié de leur valeur ! Parce qu’en attendant la vie continue, les gens ont besoin de déménager, de vendre leur maison… Ça c’est vraiment lamentable. D’autant qu’ils savent très bien qu’ils ne trouveront jamais l’argent pour financer cette LGV. Il faut 2,5 milliards d’euros ! On rêve… »

Delphine Noyon, Nouvelle République, 12 janvier 2015