[LGV Poitiers-Limoges] « C’est à se demander s’il ne faut pas faire une ZAD (Zone à défendre) pour être pris en compte »

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LGV Poitiers-Limoges : jeu de dupes sur toute la ligne

La signature surprise de la déclaration d’utilité publique (DUP) de la ligne à grande vitesse a semé l’incompréhension tout au long du tracé.

 Tout semblait réglé et l’histoire a déraillé. Dimanche, Nicolas Bourmeyster et les membres du collectif « Non à la LGV Poitiers-Limoges » ont appris que la déclaration d’utilité publique avait été signée contre toute attente la veille (lire notre édition de lundi). DUP, marché de dupes. « Ce fut une surprise totale, rappelle la figure de proue des opposants. Pour nous, le dossier était enterré. Nous avions obtenu un rendez-vous début décembre au ministère de l’Écologie. Pour justifier son annulation, on nous a dit en substance : «  Ce n’est la peine de vous recevoir puisque le projet est mort. «  Et la DUP est signée quelques heures avant la date butoir ! »

 » Elle est dans le périmètre. C’est foutu  »

Elle était fixée au 12 janvier. Le lendemain mardi, le conseil d’administration du collectif tenait une réunion programmée de longue date. « On s’attendait à fêter ensemble la nouvelle année et la fin de la LGV. » Las. « Je suis effondré. C’est lamentable. Tout le monde est conscient de l’impossibilité de l’État de réunir suffisamment d’argent pour construire cette ligne. C’est une évidence. Malgré cela, le gouvernement passe en force et impose à des populations une décision qui ne sera pas suivie d’effet. Dans l’esprit des politiques, il y a l’idée que l’avis des citoyens ne compte pas. »
A Nieuil-l’Espoir, Claude Bossis a appris la mauvaise nouvelle lundi dans le journal. A Vernon, il avait repris l’exploitation montée par son père dans les années cinquante. L’éleveur ovin, spécialiste des têtes noires, a la tête dure. Aujourd’hui à la retraite, il ne supporte pas l’idée de voir les terres désormais exploitées par son fils Vincent coupées en deux, le travail d’une vie réduit à néant et le terroir qu’il aime mis en péril. « Tous les éleveurs sur le parcours sont dans le même cas. Ce n’est pas possible que l’on vienne tout nous saccager. Pourquoi ? Pour qui ? Nos revendications sont cohérentes. Les gens de la terre sont pragmatiques. Ils savent réfléchir. Regardez Gizay. Le couloir passe entre un hameau important et le bourg. Cette petite commune va perdre toute possibilité de développement. Elle est dans le périmètre. C’est foutu. Gizay va mourir, on l’a condamnée. »
A Vernon, Vincent Bossis élève 400 brebis qui paissent sur 30 hectares de prairie dont neuf sont impactés par le projet LGV. Il ne cache pas son incrédulité et une certaine exaspération. « Cela n’a pas de sens. Mon entreprise est viable, ma fille étudie et doit prendre la suite. Aujourd’hui, tout cela est mis en péril. Les investissements sont réduits à néant. Pour rien, Par le simple fait du prince. »

à chaud

Les opposants organisent la riposte

Lors sa dernière réunion, le collectif « Non à la LGV Poitiers-Limoges » a sonné la remobilisation générale pour organiser la riposte. « Il y a de la colère, de l’incompréhension et une volonté d’en découdre, affirme Nicolas Bourmeyster. On va aller vers un recours au Conseil d’État, c’est clair. On va manifester très rapidement. On va aller voir les politiques, peut-être en force. En fait, on va reprendre les choses telles qu’on les avait laissées… »
« Nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête, souffle Vincent Bossis. C’est aberrant. Affligeant C’est à se demander s’il ne faut pas faire une ZAD (Zone à défendre) pour être pris en compte. »
Son père Claude est tout aussi remonté. « Notre combat est collectif. Il n’y a pas que notre affaire personnelle. Il y a aussi un ensemble économique remis en cause. Il y a le voisinage, la vie du village. Tout au long de la ligne la solidarité s’organise. »

Loïc Lejay, Nouvelle République, 15 janvier 2015