[Poitiers] Bas les pattes sur Jean-François !

Tandis que les élu.e.s et hauts fonctionnaires de la région Poitou-Charentes communient pour les « valeurs de la République », l’arsenal policier et judiciaire est renforcé, les militant.e.s des droits sociaux sont réprimé.e.s. Minute de silence, silence des pantoufles ? Prendre du recul, refuser la récupération politique, prendre le temps du débat de fond indispensable pour comprendre et combattre la violence structurelle à l’oeuvre dans notre société, c’est risquer la répression d’Etat ! Notre camarade, Jean-François, vient d’en faire les frais.

Les gouvernants nous disent que les « valeurs de la république » sont menacées. Mais quelles valeurs, quelle république, menacées par quoi ? Parle-t-on des valeurs historiques de la république sociale, à savoir le fédéralisme, la démocratie directe, l’émancipation autonome des opprimé.e.s, l’éducation populaire, la socialisation des biens et des savoirs ? Parle-t-on des valeurs démocratiques des sections de sans-culottes de l’est parisien, défendant le mandat impératif contre la Convention ? Des valeurs d’égalité sociale des ouvrier.e.s révolté.e.s de 1848 ? Des valeurs émancipatrices des communard.e.s de 1871 ? Des valeurs des anti-colonialistes luttant contre l’Empire français ? Non : ils et elles ont été réprimé.e.s, massacré.e.s sans pitié par la République française. Parle-t-on des républicains espagnols, pour la plupart libertaires, qui libérèrent Paris en 1944 ? Non : la République française les avait d’abord enfermés en camps de concentration, puis elle les a plongés dans l’oubli. Inutile de chercher dans les programmes scolaires de la République française la mémoire de celles et ceux qui ont participé à la conquête de nos droits sociaux : ces anonymes ont toujours dû se battre contre l’oppression de l’Etat pour les obtenir.

Dès lors, faut-il accepter l’injonction à nous rassembler autour des « valeurs » de la république bourgeoise, cette oxymorique « démocratie représentative », héritière en droite ligne des Thiers et autres Ferry, assassins et bourreaux des révoltes populaires, défenseurs inconditionnels de l’exploitation capitaliste, du militarisme, de l’impérialisme, du colonialisme, du patriarcat, de la répression policière et judiciaire des pauvres et des révolté.e.s ?

Pour cette République-là, la liberté réelle des individus dépend du porte-monnaie, et la « liberté d’expression » est à géométrie variable. Aujourd’hui encore, nos libertés s’arrêtent à celle des riches de nous exploiter, à celle des gouvernants de nous imposer des lois injustes que nous n’avons pas choisies, à celle des flics et des juges de nous réprimer quand nous luttons collectivement. « L’égalité » à la sauce étatiste est le cache-misère de l’inégalité économique et sociale, au fondement de la société capitaliste.

Jean-François est professeur de philosophie au lycée Victor Hugo de Poitiers. Il a déjà été poursuivi plusieurs fois par l’Etat, dans le cadre de son soutien aux luttes sociales des plus démuni.e.s, des sans-parole, des sans-le-sou, des sans-toit, des sans-papiers. Il a été suspendu de ses fonctions par le Rectorat le 21 janvier dernier, pour quatre mois. Une enquête a été diligentée. Cette nouvelle répression ferait suite à la plainte de parents d’élèves, dont le contenu ne lui a même pas été rapporté. On lui reprocherait son absence à la minute de silence, suite aux événements tragiques du début du mois, et même une « apologie du terrorisme » (sic !), accusation révoltante de bêtise malveillante et de mauvaise foi, quand on connaît un tant soit peu les positions de Jean-François, qui a toujours affirmé le primat du droit sur la force, son refus de la violence armée, et son refus des délires intégristes de tous bords.

Qu’entend donc le Rectorat par cette hallucinante accusation d’apologie du « terrorisme » ? Bien des juristes se sont cassé les dents sur ce terme, mais tous conviennent que cette notion est vouée à disqualifier. La notion de « terrorisme » est pour le moins confuse dans le droit français, et a aussi bien servi à l’Etat pour condamner les exécutions sommaires perpetrées début janvier par des fanatiques religieux, que pour réprimer des luttes sociales. Rappelons-nous que l’ensemble des résistant.e.s au nazisme, avant d’être célébré.e.s comme héros, étaient traqué.e.s comme « terroristes » pour le régime de Vichy, né des pleins pouvoirs accordés à Pétain par les institutions de la troisième République.

Jean-François serait donc sanctionné pour avoir contrevenu aux « valeurs de la République » ?Si oui lesquelles ? Celle de la liberté ? L’Etat intimide, censure et réprime régulièrement les militant.e.s des droits sociaux, bafouant parfois ses propres lois. Ces derniers jours, il profite cyniquement de l’émotion légitime pour fourbir son arsenal judiciaire sécuritaire et répressif, et accroître son emprise sur l’espace social. Jean-François, lui, depuis des années, participe à la vie sociale de son quartier, organise des cafés-philo, éveille ses élèves au débat philosophique, soutient les libertés de tou.te.s, y compris celles et ceux que l’Etat prive de liberté !

Parle-t-on des valeurs du « vivre-ensemble », de l’égalité et de la fraternité ? Quand l’Etat stigmatise, opprime les pauvres et les militants, expulse des campements roms, traque, enferme et expulse, Jean-François lutte pour l’égalité, notamment à travers le droit au logement ou le soutien aux migrant.e.s., n’hésitant pas à dénoncer l’hypocrisie des gestionnaires de la misère. Jean-François, contrairement à ce qu’affirme la presse, ne milite pas à « l’extrême-gauche » : il n’a jamais été encarté, il n’a même jamais voulu s’enfermer idéologiquement. Il a toujours refusé que les intérêts et sectarismes des chapelles politiques prennent le pas sur la réflexion et l’action politiques collectives.

L’hypocrisie gouvernementale s’appuie aujourd’hui sur l’émotion légitime causée par le massacre de 17 personnes, pour réprimer un peu plus une partie de la population… dont celles et ceux qui luttent pour la liberté, l’égalité et la solidarité au quotidien. L’Etat instrumentalise la mort d’êtres humains pour mettre la pression sur les pauvres, et mettre au pas des militant.e.s sincères. C’est une récupération insupportable, répugnante, sordide.

Nous exigeons le rétablissement immédiat de Jean-François dans ses fonctions.

Solidarité avec Jean-François !

Nous nous tenons disponibles pour participer à toute action collective.

Pavillon Noir, 25 janvier 2015

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Pour info, l’article de la Nouvelle République :

http://www.lanouvellerepublique.fr/Vienne/Actualite/Education/n/Contenus/Articles/2015/01/24/Le-rectorat-suspend-le-prof-et-saisit-la-justice-2197590

Le rectorat suspend le prof et saisit la justice

Jean-François Chazerans a reçu le courrier lui, notifiant sa suspension. Aucun motif n’est indiqué. – (Photo Patrick Lavaud)

Accusé par des parents d’élèves d’avoir perturbé la minute de silence, un professeur de philo du lycée Victor-Hugo à Poitiers est mis à pied. Il se défend.

Jacques Moret organisait hier après-midi la mobilisation pour les valeurs de la République (lire plus bas). Dans son introduction il rappelait : « Le 8 janvier, il y a eu aussi l’inacceptable commis par quelques enseignants qui n’ont pas observé la minute de silence avec des arguments dérisoires invoquant une absence de nécessité. Ou des arguments plus contestables estimant que ce n’était pas le moyen le plus approprié. Mais aussi des arguments inadmissibles pour des fonctionnaires cautionnant plus ou moins les attentats. » Et le recteur de promettre des sanctions si ces faits étaient avérés. Ainsi, un professeur de philosophie du lycée Victor-Hugo à Poitiers est suspendu à titre conservatoire pour 4 mois (*) depuis mercredi. Il a été remplacé. « Sur ce cas, il y a eu des plaintes de familles, nous a confié le recteur. L’enseignant aurait tenu des propos déplacés pendant la minute de silence. J’ai immédiatement diligenté une enquête. Le professeur a été suspendu. Il fallait l’éloigner de ses élèves. La procédure suit son cours. Le conseil de discipline statuera sur la suite de sa carrière. » Par ailleurs, Jacques Moret a porté l’affaire en justice hier soir. « Le recteur m’a effectivement dit qu’il me saisissait sur le fondement de l’article 40, nous a confirmé le procureur de la République Nicolas Jacquet. Je n’ai pas à cette heure les éléments en main. » L’apologie du terrorisme est évoquée. Mais le rectorat n’en dira pas plus.

Jean-François Chazerans par contre nous a livré sa version. Ce professeur de philo mis en cause est connu pour son militantisme d’extrême gauche. Enseignant à Victor-Hugo depuis 2005, il est apparu très ému hier midi. Sous le choc. Voici sa vérité. « J’ai été interrogé lundi par deux inspecteurs d’académie. Ils m’ont dit que leur rapport serait le soir même sur le bureau du recteur et le lendemain sur celui de la ministre. Je ne sais pas ce qu’on me reproche. Je ne sais pas quel cours, quel débat est concerné. On m’a juste dit «  ce sont des propos qui ont été tenus en classe « . On évoque qu’il y avait eu des plaintes d’élèves et de parents qui sont montées directement au rectorat. Je suis sonné, je m’attendais à tout sauf à ça. Ce fameux jeudi, j’ai organisé des débats avec mes six classes de terminale. Le but était de comprendre les causes du terrorisme en sortant autant que possible de la passion et de l’émotion du moment. »

«  Les djihadistes sont des fascistes  »

Jean-François Chazerans poursuit. « Ce sont les élèves qui étaient demandeurs. J’étais réticent. Je n’aime pas évoquer à chaud de tels sujets. Devant leur insistance et leur état de choc, j’ai décidé de mettre en place ces débats. » Eludant la fameuse minute de silence (**) – « Je n’y étais pas » –, le prof engagé condamne aujourd’hui sans ambiguïté les attentats et leurs auteurs. « Ma réaction de citoyen est de dénoncer avec force ces actes odieux, horribles. On ne peut quand même pas m’accuser d’avoir la moindre sympathie pour les djihadistes. Ce sont des groupes fascistes que je combats. Il n’y a pas eu une quelconque apologie du terrorisme lors de mes cours. Au contraire… » Le prof fait montre d’incrédulité. « Je ne comprends pas. Je décide de m’exprimer car je ressens un fort sentiment d’injustice. »

(*) Pendant sa suspension, le professeur bénéficie de l’intégralité de son traitement. Il peut former des recours gracieux, hiérarchique ou contentieux pour contester cette décision. (**) Au moment où nous avons interrogé le professeur, il ignorait qu’on lui reprochait d’avoir perturbé la minute de silence.

Loïc Lejay , Nouvelle République, 24 janvier 2015

[Poitiers] Un triste rassemblement contre la LGV Poitiers-Limoges

 

Ainsi donc, par le fait du prince et à la demande de quelques élus locaux du Limousin, passant outre l’avis de la commission Mobilité 21, de la Cour des comptes et du Conseil d’Etat, le projet de la LGV Poitiers-Limoges a reçu sa DUP (déclaration d’utilité publique) in extremis. Ce, en plein « deuil national ». « Moi président, je roule pour mes copains… »

La détresse et la colère des habitant.e.s et exploitant.e.s agricoles dont les terrains impactés par le tracé sont gelés, le massacre prévisible de l’environnement en zone protégée, et les coûts exorbitants de ce projet qu’on nous fera supporter en lieu et place d’une rénovation des lignes desservant les petites communes, valent bien un petit geste clientéliste de la part du PS au pouvoir. Ce flagrant délit de foutage de gueule « démocratique » éclabousse jusqu’à la ministre de l’écologie, S. Royal, qui s’était pourtant déclarée plusieurs fois opposée au projet : elle a signé la DUP, geste qu’elle explique par une « solidarité gouvernementale ». Elle invite les manifestant.e.s, toute honte bue, à formuler des recours. « Vive le ministère de l’Ecologie », s’est écriée la ministre à l’issue de son discours. Une semaine plus tôt, elle s’était prononcée pour une nouvelle génération de centrales nucléaires. Misère du PS, misère de la politique.

Libertaires, nous étions présent.e.s ce 21 janvier 2015 au soir, pour le rassemblement contre le projet de LGV Poitiers-Limoges, bientôt rejoint par celui des salarié.e.s de Itron, menacé.e.s de 124 licenciements. Nous avons eu d’office droit à un contrôle d’identité ciblé, avec prise d’adresses et fouille de nos sacs par trois policiers de la BAC. Arguments de l’intimidation : lois anti-terroristes, Vigipirate. Déception : nosdits sacs ne contenaient que des légumes, de la boisson, un stylo, une peluche et une grille de mots croisés.

Puis nous avons été interdit.e.s, par les mêmes policiers, de rejoindre les autres manifestant.e.s dans le TAP (Théâtre Auditorium de Poitiers), au prétexte que nous n’avions pas « d’invitations ». Ces policiers nous ont alors invités à assister aux vœux de la Région par écran géant interposé, dans l’auditorium public où était organisée une retransmission, et où « tout le monde » pourrait accéder. Mais dix minutes après, cet accès à l’auditorium nous a aussi été interdit, par d’autres policier.e.s présent.e.s, au nom de « consignes de sécurité venues d’en haut ». Notons que d’autres personnes, dont des militant.e.s anti-LGV, étaient autorisé.e.s à entrer. Questionné par l’un d’entre nous sur le motif de cette discrimination, un policier répond tel Ulysse : « Moi, je suis personne ». Le même policier est affecté à nous filmer, lors des manifestations, avec l’oeil unique d’un camescope. Quand finalement la police accepte que les manifestant.e.s rentrent dans le T.A.P., la haie des policiers se referme une troisième fois sur nous : « Non, pas vous ». Nous ne portions aucune pancarte ni chasuble jaune fluo, nous ne criions aucun slogan. Nous sommes identifiés comme libertaires, cela semble suffire pour nous priver de droits. Qu’elle est belle, la « démocratie ».

Pendant que nous nous gelions dehors depuis plus de deux heures, interdit.e.s de petits fours et d’écran géant, dans le TAP le Président de Région « socialiste » invitait les anti-LGV au respect du « dialogue démocratique ». Vous avez dit « liberté d’expression », « état de droit », « citoyenneté », « valeurs de la république » ? C’est comme l’humour, c’est pas avec tout le monde. Les personnes que la police laisse passer, et que nous interpellons sur la situation, rejoignent les vœux du président de Région sans piper mot, sourire gêné, tête baissée. Qu’elle est belle, la solidarité citoyenne.

Nous retiendrons à ce sujet ces quelques lignes écrites par le Président du collectif Non à la LGV Poitiers-Limoges, dans une lettre qu’il a remise en mains propres à S. Royal ce jour-là : « Le sentiment de trahison est très fort et le risque de radicalisation nous inquiète tous. » « Dans ce cadre, nous faisons tout notre possible pour contenir une radicalisation des citoyens en colère (à quand une ZAD supplémentaire ?) […] » Qu’elle est belle, la solidarité dans la lutte de « toutes les composantes ».

De cette triste soirée, nous retiendrons par ailleurs le rôle pacificateur de « l’art » dans l’espace public. Braseros alignés dans la nuit, devant l’entrée du TAP, entre lesquels s’avance soudain un défilé nocturne de personnes vêtues de noir, jouant la fanfare, tenant des flambeaux pyrotechniques. Et passant sous une porte illuminée de feux. L’historien ne peut que s’étrangler devant une telle esthétique organisée pour un événement politique, rappelant un autre mois de janvier, sous une certaine porte de Brandebourg. Il s’agissait d' »artistes de rue » payés par les deniers publics, venus jouer un spectacle à l’occasion des vœux de la Région. Ces prestataires ont fendu comme si de rien n’était la foule des manifestant.e.s, futur.e.s licencié.e.s d’Itron, et opposant.e.s à la LGV. Les artistes sont reparti.e.s sans un mot pour les manifestant.e.s., qui ont même été nombreux.ses à applaudir la prestation. C’est beau, l’art engagé…

Nous retiendrons enfin le choix des manifestant.e.s d’Itron de manifester en silence. La veille, bien que 124 licenciements soient prévus, les salarié.e.s avaient décidé à la majorité de ne pas faire grève, pour ne pas froisser les clients de l’usine. L’un des manifestants d’Itron brandissait une pancarte défendant le « savoir-faire »… consistant à fabriquer des compteurs intelligents pour ERDF. Deux jours après le rassemblement, les salarié.e.s d’Itron se couchaient devant leurs patrons, devant la mairie de Poitiers, en signe de protestation symbolique. C’est ce que leurs syndicats appellent, sans rire, des « actions coup-de-poing ». Nous, ça nous rend tristes. Prolétaires, en sommes-nous donc réduits à nous taire, à ne pas faire grève et à nous coucher littéralement devant nos exploiteurs pour nous faire entendre ?

Répression banale, spectacle de la misère politique et syndicale, silence, froid, amertume. Et il faut bien l’admettre : impuissance, manque d’organisation.

Sale temps pour la lutte de classe.

Pavillon Noir, 23 janvier 2015

Mise à jour : un article du monde à propos du projet de LGV Poitiers-Limoges

[Poitiers] Les bons mots des tribunaux qui font rire la Nouvelle République

NdPN : Voici quelques phrases relevées dans les tribunaux à Poitiers, qui font beaucoup rire la Nouvelle République, dans une compilation au titre éloquent : « Perles d’audience : quand la justice fait rire ». Citations de la justice bourgeoise…

« Non seulement vous me mentez mais en plus vous me prenez pour un con ! », rétorque le président à un tagueur pris avec bombe et feutre en main mais qui continue à nier l’évidence.

Le procureur militaire à un déserteur : « L’engagement au RICM, ce n’est pas un CDD chez Mc Donald’s ! »

« Tu parles trop, toi », lance le prévenu au procureur qui lui réplique : « Eh oui, je parle, c’est à mon tour, et vous, vous vous taisez. En plus, vous nous avez dit en début d’audience que vous ne vouliez rien dire ! »

« A la prochaine fois, Messieurs ! », adresse le président à deux étudiants qu’il vient de condamner pour vol et recel.

Une femme est jugée pour avoir gazé des policiers lors d’une interpellation difficile. « Madame, une bombe lacrymogène n’a rien à faire dans le sac à main d’une dame. Le rouge à lèvres est plus important que la lacrymogène. » Un commentaire du président qui suscite quelques échanges de regards surpris. Et pas seulement parmi les femmes…

Le procureur feuillette le très long casier judiciaire d’un prévenu : « Vingt et une condamnations ! Déjà, rien que d’éditer son casier judiciaire, c’est pas bon pour la planète ! »

Phrases relevées par la Nouvelle République, 5 janvier 2015

Un rapport des EMS, pour mieux reconnaître les individus suspects dans les établissements scolaires

Cette note s’adresse à tous les individus fréquentant les établissements de l’éducastration nationale, le plus souvent malgré eux puisque contraints et forcés plusieurs heures par jour sans avoir jamais leur mot à dire sur ce qu’ils voudraient construire et échanger comme savoir-faire et connaissances. Nous appelons à la plus grande vigilance pour prévenir le phénomène d’étatisation détectable chez certains individus.

Ceux-ci peuvent se repérer par certains signes extérieurs, tels que :

le pantalon à pinces jusqu’aux chevilles avec mocassins laids, la coupe de cheveux rétro, le port de la chemise-veste terne ou du tailleur moche indiquant l’appartenance à la religion fonctionnaire ;

– l’air tristounet, pète-sec et imbu de sa personne ;

– l’haleine surchargée de café ;

– la détention de sacoches usées contenant des discours rébarbatifs suivant des programmes imposés d’éducation, des carnets de notes, des stylos rouges, des billets de retenue ou d’incident, et autres instruments de coercition mentale et de destruction de tout germe d’auto-organisation chez les jeunes prolétaires ;

– le port de documents estampillés d’un É, ou pis, ornés d’une tête de femme de profil sur fond bleu-blanc-rouge (symbole d’une organisation multiséculaire soutien du capitalisme le plus abject, tristement célèbre pour ses violences armées perpétrées à travers le monde) ;

Certains comportements suspects doivent être repérés chez ces individus, signes d’un basculement en cours, tels que :

– leur propension à distribuer des sanctions en cas de refus d’obéir aux ordres arbitraires ou à un fameux « règlement intérieur » à l’élaboration duquel les personnes auxquelles il s’applique n’auraient pas participé ;

– l’exigence de ces individus à vouloir se faire vouvoyer alors qu’ils tutoient, ou à se faire appeler par tel ou tel titre ronflant, tels que « Maître », « Principal », « Proviseur », etc. ;

la perte de poids musculaire lié à un manque flagrant d’activité physique, et parfois le cal au doigt lié à de nombreuses heures passées à gribouiller et rayer les devoirs écrits qu’ils imposent autoritairement à des individus plus jeunes ;

l’exposition sélective aux médias bourgeois ;

– l’invitation dans l’enceinte des établissements d’individus tels que des policiers venant faire de la « prévention », ou des patrons venant vanter les mérites de l’entreprise ;

– la transmission compulsive à l’Etat de profilages numériques sur un grand nombre d’individus jeunes, via des logiciels centralisant les données (comportement, désobéissances diverses, notes [!], « compétences »…) ;

le repli identitaire national-républicain, glorifiant la « laïcité » tout en posant comme dogmes religieux indiscutables et obligatoires l’obéissance à la « Loi » des « Elus », ou « le respect de la propriété privée d’autrui », ou autres croyances sectaires sur les droits de l’homme riche ou la patrie des droits de l’homme et des lumières, etc. ;

la rhétorique politique citoyenno-étatiste tendant à faire croire au plus grand nombre que l’Etat serait « social », qu’il garantirait l’égalité et le bien de tous, que le patronat et le prolétariat seraient membres d’une même communauté d’intérêts de citoyens égaux, etc. ;

– l’absence de références aux injustices sociales engendrées par l’Etat, le capitalisme, le racisme et la domination masculine, et la dénégation d’autres modes d’éducation populaire ayant pourtant fait leurs preuves depuis longtemps ;

Nous invitons d’ailleurs à surveiller attentivement tout intérêt prononcé pour les débuts de l’histoire de l’Etat français mythifiée et expurgée de ses horreurs. Pour information, quelques étapes historiques sont à retenir dans la radicalisation étatiste au sein de l’éducation populaire :

– la création des lycées par Napoléon en 1802, instaurant une discipline militaire chez les jeunes pour produire une élite de brutes armées et d’administrateurs zélés de l’Etat ;

– l’oeuvre néfaste de Jules Ferry (journaliste et juriste, devenu bourreau des communards et idéologue de la colonisation raciste), instigateur en 1881-1882 de l’école étatiste obligatoire – comme instrument de répression, de son propre aveu, des idées de révolution sociale (discours de 1879) ;

– la table ronde des industriels européens, qui préconise en 1989 la définition et la mise en place de « compétences » pour « l’employabilité », permettant de fabriquer de la main-d’oeuvre intellectuellement désarmée, docile, flexible et corvéable à merci – projet avalisé en France par le « bilan de compétences » de la loi Aubry, puis le « livret de compétences » en 2009 sous Sarkozy ;

NB : suite à un certain nombre de protestations : cette note est sans doute perfectible, c’est incontestable, et manque sans doute de nuances. Peut-être que les mots ne sont pas parfaits, et nous allons en effet améliorer les choses, aussi doit-elle être accompagnée d’explications orales. Sur le fond, la démarche doit se poursuivre, mais elle peut s’améliorer sur les mots utilisés.

Rapport rédigé par les EMS (équipes mobiles de subversion) de l’académie du pavillon noir

NdPN : voir aussi cet article du NPA 86 : http://www.npa86.org/spip.php?article3188