Détournement librement inspiré d’un magnifique « article » à la gloire du maire, orné d’une photographie à encadrer près du sapin de noël (NR, 5/12/2014).
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L’étymologie des mots de l’économie
L’étymologie des mots de l’économie
Les mots sont importants, car ils conditionnent une certaine vision du monde. Le langage est traversé par des rapports de force historiques. Il est intéressant de se pencher sur l’étymologie des mots que nous employons, qui n’ont rien de neutre.
La notion même d’économie vient du grec oikos et nomos, soit les « normes » qui permettent au maître de régir et d’administrer sa « maison », son domaine, sa femme (enfermée dans le gynécée) et ses esclaves (eux aussi isolés, et rentabilisés au maximum comme des machines). Xénophon a popularisé cette notion dans son livre L’économique, qui a connu un regain d’intérêt à la Renaissance, ère de l’avènement politique de la bourgeoisie. Xénophon y expose les moyens d’augmenter la productivité et la rentabilité du domaine, par la gestion autoritaire du maître. Xénophon était un chef militaire grec, aux idées aristocratiques et monarchistes. Il s’opposait à la notion de démocratie. Cette dimension philosophique et politique très autoritaire de l’économie, liée à l’exercice de la religion et de l’éducation, sera reprise et accentuée dans Les économiques du pseudo-Aristote.
L’économie est politique, ses mots nous le confirment.
Argent : du latin argentum : l’argent (le métal). Comme l’or, l’argent était extrait par les esclaves pour la plupart captifs de guerre (dont l’espérance de vie dans les mines était très faible), et servait à fabriquer la monnaie. Celle-ci était à l’origine consacrée aux dieux : « monnaie » vient de Juno Moneta, divinité romaine près du temple de laquelle on frappait la monnaie. La monnaie métallique fut largement promue par les Etats antiques de façon à rémunérer les soldats.
Capital : du latin capital : crime capital, ou de l’adjectif capitalis : relatif à la tête ; mortel, fatal, funeste. Le terme est issu de caput : la tête, l’existence, le commencement, le chef.
Chèque : du persan shah : le roi.
Chiffre (d’affaire, etc.) : de l’arabe ṣifr : le vide, via le bas-latin cifra : zéro.
Chômage : du bas-latin caumare, se reposer pendant la chaleur, faire une sieste. Terme lui-même dérivé du grec kauma, la chaleur, qui a aussi donné le mot « calme ».
Commerce : du latin cum- (avec), et merx : le salaire, le coût d’un acte honteux ou illégitime, le châtiment, le préjudice, la rente (qui a aussi donné le mot « marché »).
Crédit : du latin credere : croire (en dieu), par extension prêter (croire au remboursement d’une somme prêtée). Créance a aussi pour origine credentia : la croyance, et par extension la confiance. Le terme « fiduciaire » vient aussi de fides : la foi.
C.V. : du latin curriculum vitae : course de la vie. On peut aussi comprendre « course pour la vie », car curriculum désigne aussi la lutte à la course, la lice, l’hippodrome ou le char de guerre.
Emploi : du latin implicare : plier, envelopper, entortiller, emmêler, lier, placer dans l’embarras et la confusion.
Investissement : du latin investire : revêtir, garnir, qui par extension signifie entourer, cerner militairement de façon à priver les assiégés d’entrée ou de sortie.
Négoce, négociation : du latin neg-otium, le travail, le devoir, les obligations. On remarquera qu’il s’agit d’une notion négative : il s’agit de la négation, de l’absence, de la privation de otium, le loisir, l’activité libre, le temps libre (qui a donné le terme péjoratif « oisiveté »).
Patron : du latin pater : le père, suivi du suffixe diminutif -on, soit « petit père ». A Rome, le père détenait le pouvoir sur la famille et les esclaves (le « pater familias ») d’où le terme dérivé à connotation politique, le patricien, membre de la classe dominante seule autorisée à accéder aux magistratures.
Privé : du latin privare : isoler, séparer, priver de, dépouiller.
Salaire : du latin salarium (dérivé de sal : le sel), qui désigne la ration de sel donnée aux soldats de l’armée romaine, puis la solde qui leur était versée pour se procurer des vivres, puis une rémunération en général.
Service : du latin servitium : esclavage, servitude, joug. Servus : esclave. Servire : être asservi.
Solde(s) : de l’italien soldo, le salaire du soldat, par extension l’indemnité donnée au soldat.
Taxe : du latin taxare : toucher brutalement, frapper, attaquer, blâmer, et par dérivation, fixer un prix.
Travail : en ancien français : tourment, souffrance. Vient du latin tripalium : instrument d’immobilisation et de torture à « trois pieux », où étaient attachés les esclaves récalcitrants. En russe, travail se dit rabota (de rab : esclave). Le terme a donné le mot « robot ».
John Rackham, groupe anarchiste Pavillon Noir
Sur le « revenu universel »
Sur le « revenu universel »
La proposition d’un « revenu universel » ou d’un « salaire universel » est généralement portée par des économistes de gauche d’autant plus à la mode qu’ils ne veulent pas sortir du salariat. Il s’agirait selon eux d’une proposition plus « réaliste » que de prôner une révolution sociale qui ferait peur (au moins à eux, manifestement). Un tel revenu serait possible dans le cadre d’un capitalisme régulé, à condition que des citoyens éclairés diffusent cette raisonnable idée parmi nos chères élites politiques, qui ne demandent qu’à faire notre bonheur.
Parle-t-on bien d’un revenu universel inconditionnel et égal, permettant à tou.te.s de vivre décemment sans condition d’emploi salarié ? Tous les partisans du « revenu universel » ne sont pas d’accord là-dessus, mais admettons que leur intention, quoiqu’imparfaite, soit louable. Ce qui est moins louable, de la part de gens censés avoir réfléchi et se posant en diffuseurs d’idées sociales, est de faire croire qu’un tel revenu universel inconditionnel, en quelque sorte une généralisation du salaire indirect socialisé, serait possible sans abattre le capitalisme. Ce n’est pas seulement irréaliste, c’est absurde. Il suffirait de demander au patronat, et le patronat verserait ce salaire, ponctionné par un Etat social ? Allons bon. Pour rappel, le capitalisme est fondé (entre autres) sur :
* l’extraction d’un profit sur le travail de gens contraints de vendre leur force de travail à un donneur d’ordres pour survivre (les prolos).
* la valorisation de cette rente elle-même (croissance du capital), au détriment de la part allouée à la rémunération du travail.
Comment a-t-on pu conduire les gens à une façon de vivre où ils ne gagnent pas tous les fruits de ce qu’ils produisent, ne décident pas de ce qu’ils produisent, ni de comment produire, ni de comment répartir ? Il a fallu historiquement (et il faut toujours) les contraindre au travail salarié, par la violence assassine ou la menace insidieuse de la privation. Le capitalisme n’est pas l’abondance, il procède de l’organisation de la rareté, c’est-à-dire de la dépossession et de la pauvreté. D’une échelle inégale des salaires pour certains prolos, de la privation de travail pour d’autres, et de la répression pour les récalcitrants. Le capitalisme est un système par définition inégalitaire, au sens où il ne donne pas le même usage des biens de ce monde à tout le monde. Tant que le capitalisme existera, il sera impossible d’obtenir des conditions de vie décentes pour tous. On peut accepter ou non le capitalisme, mais ses paradigmes ne sont pas aménageables, si ce n’est dans le sens pernicieux de faire perdurer ses effets dévastateurs.
Aux personnes qui n’acceptent pas le capitalisme, se pose la question des moyens de l’abattre. Pouvons-nous sérieusement envisager un seul instant que voter pour des dirigeants qui mettraient en place l’égalité inconditionnelle des revenus puisse constituer une option plausible, face au pouvoir politique, économique et militaire actuel des détenteurs de capitaux ?
Evidemment non, à moins d’être complètement naïfs ou ignorants de la nature du capitalisme, ce que ne sont pas les économistes. D’ailleurs, aucun candidat ne se présentant aux élections (même à l’extrême-gauche) ne propose l’égalité réelle. Au mieux, ces candidats proposent un « mieux », c’est-à-dire de taxer le capital d’un côté, et de limiter l’échelle des salaires de 1 à 6 de l’autre. Ce qui ne consiste qu’à proposer de maintenir la domination et l’inégalité sociales au prétexte de les rendre moins inacceptables, et s’avère par ailleurs tout aussi fantaisiste que de demander à un capitaliste de se couper un bras par charité. C’est par la lutte sociale que tout se gagne. Tous les droits sociaux n’ayant jamais été conquis que par la lutte directe des prolos contre le capital et l’Etat, imaginons seulement quel niveau de conflictualité et d’organisation il faudrait pour obtenir un revenu universel égal et décent !
Pour en arriver à un tel rapport de force, il faudrait nous donner les moyens d’exproprier les patrons et les dirigeants, c’est-à-dire de briser leur monopole décisionnel, pour que les populations décident directement de tout ce qui les concerne. C’est-à-dire une révolution sociale radicale, au sens où elle renverserait les fondements mêmes de l’injustice, et toutes les valeurs qui les supposent. Un tel niveau d’organisation supposerait que les individus et collectifs aient déjà gagné assez en puissance, en organisation et en expériences, qu’ils soient déjà en mesure d’arracher l’existant aux dirigeants, de socialiser l’espace et les biens, et d’extirper les notions mêmes de valeur monétaire et de privation dans leurs activités, pour satisfaire les besoins réellement exprimés par eux-mêmes. Les rapports sociaux autoritaires, marchands et monétaires, outils de la société capitaliste, seraient ainsi remplacés par l’organisation sociale directe. On ne parlerait donc plus de « revenu » ni de propriété privée, mais d’usage.
Le problème des économistes prônant le salaire ou le revenu universel (garanti par un Etat prétendument social) est de mettre la charrue avant les bœufs, entretenant ainsi une confusion à mon sens déplorable, et ne faisant l’intérêt que de politiciens peu scrupuleux. Selon eux, il suffit de dire que le revenu universel inconditionnel c’est bien, que c’est un beau programme, qu’il faut voter pour des candidats qui l’ont inscrit dans leur programme, et qu’alors ça se mettra en place. Cela ne relève clairement pas d’une attitude « réaliste », mais bien au contraire d’une abstraction totale du monde dans lequel on vit, des luttes à mener et de leurs moyens. Si ce genre de proposition garnit le compte en banque des économistes « alternatifs » auxquels la presse bourgeoise et les partis politiques électoralistes donnent volontiers leurs tribunes, cela ne nous remplira jamais le ventre.
Cette société dans laquelle nous vivons est fondée sur la dépossession généralisée, aussi bien matérielle (capitalisme, salariat et profit) que politique (étatisme, représentativisme et répression) et sociale (hiérarchisation des dominé.e.s, fondée sur la « race », le « sexe », la nationalité, les « compétences », etc.). Seule la construction pied à pied d’un rapport de force radicalement anticapitaliste et anti-étatiste, fondé sur l’action directe, autonome, indépendante et librement coordonnée des prolos pour en finir avec leur aliénation, permettra l’égalité sociale réelle. Et quand on y arrivera, si jamais on y arrive avant que ce monde ne devienne un grand cimetière, les notions mêmes de salaire et de valeur monétaire seront sans doute largement reléguées au rayon des mauvais souvenirs. En attendant, « tant qu’il y aura de l’argent, il n’y en aura pas pour tout le monde ».
John Rackham, groupe anarchiste Pavillon Noir
POITIERS Tags en centre-ville après la manifestation
Des tags attribués aux anars ont été découverts, mardi matin, dans le centre-ville de Poitiers et prestement effacés. En plus des slogans antipolice et du symbole anarchiste des « Rémi vengeance » ont aussi été retrouvés. Ils font suite à la manifestation organisée lundi soir à Poitiers après la mort dans le Tarn d’un militant opposé à un projet de barrage.
Presse attribuée aux bourges (lanouvellerepublique.fr), 29 octobre 2014
Drame de Sivens : « Il ne s’agit pas d’une bavure » selon Cazeneuve
NdPN : Une fois n’est pas coutume, nous sommes d’accord avec Monsieur le ministre de la répression : le meurtre de Rémi par les milices de la république bourgeoise n’est effectivement pas une « bavure », mais bien la conséquence des stratégies de maintien de l’ordre. Si depuis quelques années, les classes dominantes permettent à leurs polices de nous tirer dessus, tuant et mutilant en toute impunité, c’est parce qu’elles pensent qu’elles n’auront pas à faire face à des mouvements massifs de colère. Elles nous voudraient neutralisé.e.s par l’omniprésence policière, par le spectre de la prison, par le matraquage médiatique, par les sermons moralisateurs du clergé non-violent… Mais merde, nous ne sommes pas des esclaves, nous sommes de la dynamite ! Construisons le rapport de force et détruisons ce qui nous détruit.
Alors que l’enquête sur la mort du manifestant Rémi Fraisse au barrage de Sivens progresse, la thèse d’une grenade offensive des gendarmes à l’origine de l’explosion mortelle se renforce. Après l’annonce par le procureur d’Albi de la découverte de traces de TNT – l’explosif utilisé dans ces projectiles de la gendarmerie – sur les vêtements de Rémi Fraisse, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé mardi 28 octobre la suspension de l’utilisation des grenades offensives.
« Il ne s’agit pas d’une bavure », a toutefois asséné le ministre, invité de l’émission « Preuves par trois » Public Sénat/AFP/Dailymotion. « On ne peut pas présenter les choses ainsi », a-t-il répété. En parallèle de l’enquête menée sur la mort de Rémi Fraisse, Bernard Cazeneuve a toutefois annoncé qu’une enquête administrative avait été demandée par son ministère sur les conditions d’utilisation de ces grenades offensives, dont les conclusions devraient être connues d’ici à quinze jours.
« UN BON EFFET DE SOUFFLE »
Dans des affrontements avec les manifestants comme ce fut le cas ce weekend dans le Tarn, les gendarmes et policiers emploient – outre les grenades lacrymogènes – deux types de grenades : celles dites de « désencerclement » ou « assourdissantes » , et celles dites « offensives ».
Les premières contiennent de petites billes en plastique qui éclatent de façon fragmentée au moment de l’explosion, et « peuvent éventuellement blesser très légèrement, mais c’est très rare », selon une source policière travaillant dans le maintien de l’ordre. Les secondes sont en revanche plus puissantes. « Cela provoque un bon effet de souffle et pas mal de bruit », explique une source sécuritaire.
Ce genre de grenade peut provoquer parfois de graves blessures. « Il suffit qu’un manifestant prenne à la main une grenade offensive au moment où elle explose et il peut avoir la main arrachée, c’est déjà arrivé », a expliqué cette source. L’utilisation de l’une ou l’autre de ces grenades dépend de la situation et de l’appréciation des forces de l’ordre qui, lorsque cela est possible, doivent prévenir les manifestants que des grenades vont être tirées.
Mais les spécialistes se montrent catégoriques : ces deux types de grenades ne peuvent tuer, sauf improbable concours de circonstances. Dans l’hypothèse où l’une de ces grenades aurait provoqué la mort de Rémi Fraisse, tous les experts évoquent une combinaison avec un autre élément comme un fumigène, une cartouche de gaz ou même peut-être un aérosol.
LE GOUVERNEMENT DOIT « ASSUMER SA RESPONSABILITÉ »
Pour désamorcer la polémique, le ministre de l’intérieur a donc préféré prendre les devants. Après les annonces du procureur mardi, les voix s’étaient rapidement élevés pour mettre en avant la responsabilité du ministère. Le Parti de gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon a ainsi réclamé la démission de Bernard Cazeneuve : « C’est aux responsables politiques du maintien de l’ordre d’être sanctionnés. En République, la démission du ministre Cazeneuve est la seule façon pour le gouvernement d’assumer sa responsabilité », écrit le PG dans un communiqué.
L’écologiste Noël Mamère avait pour sa part estimé que « la commission d’enquête parlementaire s’impose pour savoir si les forces de l’ordre ont été contrôlées ». « On ne peut pas construire un barrage sur un cadavre ; pour des raisons morales et éthiques, ce projet ne peut être poursuivi. Nous sommes confrontés à une affaire d’Etat » a-t-il encore expliqué.
Après avoir témoigné de sa « compassion pour la douleur de sa famille », le premier ministre, Manuel Valls, a, lui, tenu à défendre son ministre de l’intérieur et les forces de l’ordre. « Je n’accepterai pas les mises en cause, les accusations qui ont été portées en dehors de l’hémicycle à l’encontre du ministre de l’intérieur », a-t-il affirmé avant d’évoquer le « travail extrêmement difficile » des forces de l’ordre « confrontées souvent à une violence extrême », a-t-il déclaré mardi lors de la séance de questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale.
Presse de la bourgeoisie de gôche (lemonde.fr), 28 octobre 2014