NdPN : tract d’appel à un contre-rassemblement proposé par des individus et notre groupe ; si vous souhaitez co-signer pour votre organisation, n’hésitez pas à nous écrire.
Pour les droits des femmes, pour disposer librement de nos corps
Il y a quarante ans, suite aux luttes acharnées des femmes s’inscrivant dans une longue histoire d’oppression, d’exploitation et de meurtres perpétrés contre elles par l’Église et les autorités politiques, face à la constitution de réseaux d’avortement clandestins auto-organisés, l’État français finissait par légaliser le droit à l’avortement avec la fameuse loi Veil. Toujours grâce aux luttes féministes, le remboursement de l’IVG a été obtenu (partiellement en 1982 puis totalement en 2013), l’entrave à l’IVG est devenu un délit en 1993 et le délai légal a été allongé de dix à douze semaines de grossesse en 2001 en même temps que le consentement parental préalable était supprimé pour les mineures. De 300.000 avortements clandestins avant la loi Veil, on est passé au chiffre assez stable de 220.000 avortements par an.
Néanmoins, la domination masculine est loin d’être abolie, et les droits des femmes sont de plus en plus menacés. La remise en cause du droit à l’IVG est un marqueur symptomatique. Le 29 novembre, l’association catholique intégriste « Sos tout-petits » appelle de nouveau à une prière de rue contre l’avortement. Son président X. Dor, qui ose comparer l’IVG à un « génocide », a déjà été condamné pour entrave à l’IVG. Il ne faudrait néanmoins pas voir dans cette initiative l’action isolée d’illuminé.e.s minoritaires : c’est le pape François lui-même, anti-avortement et anti-contraception, qui appelle à prier « pour la vie » ce 29 novembre. Il ne s’est d’ailleurs pas privé d’attaquer une nouvelle fois le droit à l’IVG il y a quelques jours devant le parlement européen, en le comparant à l’abandon des personnes âgées ou au droit à mourir. Le pape a reçu une « standing ovation ». De même, l’Église catholique de France a évoqué le week-end dernier une « banalisation sans précédent de l’avortement », par la voix de l’évêque de Grenoble.
Sous la pression des institutions religieuses, qui prônent depuis toujours le contrôle et l’aliénation du corps féminin, le droit à l’IVG et les droits des femmes en général ne cessent d’être remis en question à l’échelle européenne ; les intégristes demandent la fin du financement de l’IVG par les États. Partout où l’Église catholique est puissante (Pologne, Irlande, Chypre, Malte), le droit à l’IVG est très restreint, voire illégal. En Espagne, la loi anti-avortement n’est finalement pas passée, grâce à la lutte acharnée des femmes et d’organisations progressistes ou révolutionnaires, mais les mineures doivent désormais obtenir une autorisation parentale. À l’échelle mondiale, aujourd’hui encore, une femme meurt des suites d’un avortement clandestin toutes les sept minutes, du fait de l’interdiction ou de la restriction du droit à avorter. La nouvelle loi texane sur la restriction du droit à l’avortement a été validée le 19 novembre par la cour suprême des États-Unis.
En France, les femmes sont directement impactées par la fermeture pour manque de « rentabilité financière » de 130 structures ces dix dernières années, les baisses de subventions aux plannings familiaux, le maintien d’une « clause de conscience » pour les médecins, un délai de réflexion obligatoire de sept jours entre les deux premières consultations. Des milliers d’entre elles sont ainsi réduites chaque année à avorter à l’étranger, notamment aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, quand elles en ont les moyens. Outre les provocations médiatiques de masculinistes notoires contre les femmes, une certaine frange droitière de la classe politique française s’attaque aujourd’hui à la gratuité ou à l’inconditionnalité du droit à l’IVG, soutenue par des groupuscules intégristes et/ou fascisants qui montent en force.
Selon nous, ces attaques contre le droit des femmes à disposer de leur corps sont à replacer dans une lutte plus large contre la domination économique et politique. Depuis les débuts du capitalisme, la domination économique passe par l’aliénation des individus de leurs propres corps, notamment les femmes qui sont assignées aux activités de reproduction et d’entretien de la main-d’œuvre délibérément dévalorisées, de façon à extraire davantage de profit. La domination politique sur le prolétariat passe par la division genrée de celui-ci en deux « sexes » aux rôles imposés, l’un subordonné à l’autre. Les États continuent de fait de valider une ségrégation de genre, de façon brutale (notamment dans les pays les plus pauvres) ou insidieuse. Les violences quotidiennement subies par les femmes et la réification de leurs corps se doublent d’une perpétuation des inégalités en matière de revenus et de statut social.
Tandis que les intégristes ont toute latitude pour imposer leurs « prières de rue » sexistes ou homophobes dans l’espace commun, et que le discours anti-IVG se banalise sur internet, les manifestant.e.s pour les droits des femmes et la liberté individuelle sont intimidé.e.s par la police, y compris à Poitiers.
Cela ne nous empêchera pas de continuer à lutter, pour le droit à l’avortement libre et gratuit, les droits des femmes et plus largement notre droit à disposer de nos propres corps, contre tous les dominants, les exploiteurs et leurs idéologues. Nous appelons à un large contre-rassemblement, samedi 29 novembre 2014 à 16h à Poitiers, devant l’église Notre-Dame, pour leur faire entendre un autre son de cloche.
Signataires : Des individu.e.s, groupe anarchiste Pavillon Noir, Convergence Libertaire Anticapitaliste Poitevine, Jeunesses Communistes de la Vienne