Pour Rémi Fraisse et les autres. Pour nous.

NdPN : huit jours après la manif de jeudi 30 octobre à Poitiers en hommage à Rémi (tué par la gendarmerie pour s’être opposé comme tant d’autres à une énième opération de destruction capitaliste – aussi dite « d’aménagement du territoire »), une manif digne et sans la moindre « casse » où les flics se sont pourtant mis à serrer, gazer et frapper les manifestants, puis arrêter trois d’entre eux, dont deux seront poursuivis pour « outrage » et « violence », c’est le même constat partout : les gouvernants et leurs médias recourent à tous les moyens possibles pour briser la révolte, en mentant, en salissant, en intimidant, en interdisant l’expression, en tabassant, en mutilant et en condamnant. L’enjeu pour l’Etat est de nous imposer, par la manipulation verbale, la menace et la force, un état de fait : la destruction de nos espaces de vie aussi bien que de nos vies. Son petit masque « démocratique » est depuis longtemps fissuré, il est en train de tomber. Il convient d’en prendre acte et de nous organiser en conséquence, parce que cette violence d’Etat nous concerne tou.te.s et que nous ne devons plus lui laisser le champ libre pour nous briser, au sens figuré comme au sens propre. Il s’agit de ne pas nous figer dans telle ou telle posture idéologique de non-violence ou de violence, mais de nous demander concrètement comment nous donner les moyens réels de lutter face à la répression policière assumée de l’Etat. Le texte suivant, trouvé sur le site « Face aux armes de la police », contribue à cette démarche, aussi le relayons-nous ici.

Pour Rémi Fraisse et les autres. Pour nous.

De la ZAD de NDDL à celle de Sivens en passant par la lutte anti-THT à Valognes ; de Montreuil à Blois jeudi 30 novembre, en passant par Montbéliard, Villiers, Clichy-sous-Bois, Bondy, Trappes, Villetaneuse, les Tarterêts, etc. Là où le drapeau républicain flotte encore dans ce qu’il faut bien appeler des colonies, à Mayotte et à la Réunion ; de manifestations en opérations militaires ; de mutilations en éborgnements – accumulations de gueules cassées, de pièces de métal qui se logent dans la chair, de tendons sanctionnés, de pieds et de mains arrachés, de vies détruites, de frères assassinés.

La police fait sa sale besogne, protéger un ordre absurde, suréquipée et disposant pour l’occasion de véritables armes de guerres. Il fallait que le pire arrive et l’étonnant c’est qu’il ne soit pas arrivé plus tôt. L’un d’entre nous, Rémi Fraisse, est mort pour avoir donné corps à une manière de percevoir le monde, pour s’être opposé en acte à l’avancée du désert quand il aurait été confortable de rester chez soi. Que la pensée soit autre chose qu’une affaire privée et sans conséquence, qu’elle appelle des gestes et qu’elle s’incarne dans une manière de vivre, voilà ce que ne pourra jamais entendre la bêtise d’un petit notable socialiste pour qui il est « un petit peu bête et absurde de mourir pour ses idées ».

Du côté du gouvernement, la mort d’un homme est un problème qui doit se gérer pour éviter les remous. En mentant d’abord et en occultant durablement les causes et les circonstances réelles de la mort. Les différentes versions savamment distillées suffiront à jeter le trouble. Il aurait été trouvé par la police qui a tenté de lui porter secours. L’explosion pourrait même venir du contenu de son sac à dos. Les problèmes de santé éventuels de la victime étant inconnus, il serait trop tôt pour se prononcer. Masquer donc le fait brut, obscène suivant : un stock considérable de grenades offensives et d’autres armes de guerre avait été amené dans des caisses et des fourgons pour cette occasion comme en d’autres. Ces armes ont été utilisées massivement comme prévu et un gendarme a balancé une de ces grenades militaires sur un manifestant totalement démuni et l’a tué sur le coup. « Mentez, il en restera toujours quelque chose » conseillait un certain Goebbels, expert en communication.

Envoyer ensuite sur le front médiatique un directeur général de la gendarmerie nationale et un directeur adjoint de la communication (ancien commandant de groupement du Tarn) pour justifier ce geste en établissant une symétrie entre les armes militaires des gendarmes suréquipés et les cailloux et quelques boucliers en carton des opposants. S’apitoyer alors sur le harcèlement subi par les gendarmes. Argument déjà utilisé par Valls pour la manif du 22 février à Nantes en mode cours de récré chez médiapart : « c’est pas nous qu’on a commencé, et nous aussi on a des blessés ». Reconnaître en fait qu’il y a un espace de l’affrontement au sein duquel cette vieille lune du monopole étatique de la violence légitime ne tient plus : ce qu’il y a, ce sont des forces qui s’opposent. Le tort de l’une est de se faire écraser par l’autre. A tout prendre, il faut reconnaitre plus d’honnêteté à ce Jean-Christophe Bertrand, directeur départemental de la sécurité publique de Loire-Atlantique, qui assume pleinement les trois yeux perdus ce 22 février 2014 et pour qui « ceux qui prennent le risque de s’en prendre aux forces de l’ordre s’exposent eux aussi à des dommages corporels ». Dont acte. Manifester c’est accepter le risque de se faire éborgner.

Décourager ensuite tous ceux qui trouvent cette mort odieuse et pourrait avoir l’envie de l’exprimer trop clairement. L’opération a déjà fait ses preuves en maintes occasions. Créer une distinction purement artificielle entre le citoyen-manifestant non-violent et le casseur ultra-violent. Assigner des rôles figés et définitifs quand, dans une manif ou un mouvement, les lignes ne cessent de bouger, quand une lutte est toujours une combinaison entre différentes manières de lutter. Agiter le fantasme du black-block en feignant de croire qu’il s’agit d’un groupe constitué et en faisant comme si on n’avait toujours pas compris que s’habiller en noir et se couvrir le visage pour une manif filmée sous toutes ses coutures constitue une tactique diffuse reposant sur un bon sens élémentaire assignable à aucun groupe particulier.

Le sujet-casseur imaginaire ainsi constitué, réprimer durement les manifestants réels. On aurait pu penser que la mort de Rémi allait retenir, un temps, la violence policière. Las, à Nantes les grenades interdites sont utilisées dès le début de la manif du 02 novembre et le flashball mutile encore. Cette fois-ci un homme y laisse son nez. Terroriser encore une fois, marquer les corps et les esprits, pour éviter que ne naisse un quelconque mouvement et que chacun reste chez soi. Interdire au besoin les manifestations comme à Paris le 2 novembre. Arrêter préventivement ceux qui voudraient s’y rendre malgré tout. Boucler un quartier pour empêcher que le rassemblement ne se tienne.

Pour que le peuple de gauche, ce fantôme du théâtre politique, ne s’y trompe pas, on prendra soin aussi de faire en sorte qu’aucun parti ou syndicat affilié n’appelle à des manifs ou rassemblements. Mieux : qu’ils appellent plutôt à ne pas manifester comme les verts ou l’ACIPA à Nantes le 1 novembre. La chose est entendue, pour la gauche on peut tuer un manifestant sans qu’il y ait matière à s’offusquer d’aucune manière.

On pourra alors se permettre l’infinie crapulerie qui consiste à faire la leçon en reprochant aux manifestants qui expriment leur colère un peu trop fort d’insulter la mémoire de Rémi. Le calme, contrairement à ce dont témoignent toutes les émeutes qui ont suivi un crime policier – de Rodney King à Bouna et Zyed, serait la seule manière d’honorer nos morts.

Pour aussi abjecte qu’elle soit, il faut reconnaître à cette opération une certaine efficacité jusqu’à maintenant. La mobilisation n’est pas à la hauteur de la situation et c’était bien là l’objectif recherché. Imaginer à quoi aurait ressemblé les jours qui viennent de passer si tous ceux qui ont tenus à dire leur colère se seraient tus permet de mesurer comment ce crime aurait pu passer, tranquillement. « La mort de Rémi Fraisse n’est pas une affaire d’État pour les français », assène un sondage. Nous qui sommes bien plus nombreux que les 1006 personnes interrogées, nous ne pleurerons pas cinq vitrines et trois abris-bus.

Si ce crime est odieux, il serait absolument faux d’en conclure qu’il relève d’une violence exceptionnelle. L’utilisation d’armes de guerres, les blessures et les mutilations irréversibles, la militarisation de la police est bien devenue la norme du maintien de l’ordre pour les luttes contre les infrastructures (THT, aéroport, barrage), les colères collectives dans les quartiers, les manifestations trop déterminées. Pas loin de trente personnes on perdu un œil ces dix dernières années. Daranka Gimo, une fillette de neuf ans souffre encore de graves séquelles après avoir été touché à la tempe. Le LBD, lanceur de balle de défense, avec lequel la police tire régulièrement sur nos têtes est une arme de première catégorie qui provoque de multiples séquelles irréversibles – fractures et micro-fractures, enfoncements, éclatement du globe oculaire, etc. Dans un rapport, un médecin présent lors des journées du 22-24 novembre 2012 à la ZAD parle de blessures inédites.A Sivens où le niveau de violence policière est extrême, les gendarmes se lâchent au point de lancer une grenade dans une caravane dans laquelle s’étaient réfugiés des occupants.
Ce à quoi nous avons affaire n’est pas une bavure comme le reconnait Cazeneuve, pas un dysfonctionnement mais une logique politique, une forme de gouvernement. La permanence de la possible destruction des corps comme moyen de contrôle.

Effet du flashball sur le crâne d'un jeune de 16 ans.

Par la mort encore. Régulière pour tous les Lakhamy, Moushin, Wissam, Amine, Lahoucine, etc. Une quinzaine chaque année. Balle dans le dos, défonçage en règle, technique du pliage. Pas de peine de mort mais un permis de tuer pour ces flics qui bénéficient toujours d’un non lieu ou d’une relaxe, si l’affaire n’est pas classée.

La situation est la suivante. Des années et des années que se machine une population qui s’accommode parfaitement que des hommes soient assassinées par la police dans les quartiers populaires. Dix ans qu’on accepte parfaitement que le flashball éborgne, mutile et terrorise. Avec la mort de Rémi, se profile un nouveau moment. Quiconque manifeste doit savoir qu’il peut mourir. Pas en Égypte, en Syrie, en Palestine ou en Chine. Ici. A Sivens, NDDL, Nantes, Paris et partout ailleurs.

La mort de Rémi nous commande de prendre la mesure de cette situation et de nous organiser en conséquence. Laisser le terrain libre à la police et à son monde, c’est assurer la généralisation des meurtres et des mutilations. Prendre au sérieux cette question suppose d’en finir avec ses illusions sur la police et la justice comme nous le rappelle Farid, le frère de Wissam. Le chemin peut être long mais il faut faire vite.

S’organiser en conséquence c’est prendre au sérieux la question de notre défense là où nos corps sont exposés. Les armes utilisées appellent la nécessité de se protéger. Il y a ici aussi un ensemble de savoirs et de moyens techniques à se réapproprier, à partager, à inventer.

C’est prendre au sérieux l’obstacle que constitue la police. Comment le défaire ? Là où d’autres manières de vivre viennent à exister comme à la ZAD, nous avons déjà réussi à mettre la police en échec – toutes les tentatives d’expulsion ont échoué. Détermination de la résistance, détermination de la reconstruction.

C’est refuser que le silence et le calme ne s’installent après la mort de l’un des nôtres. Des dizaines de manifestations et de rassemblements ont eu lieu dans de nombreuses villes malgré les efforts déployés par le pouvoir. Les lycéens appellent à des actions jeudi 6 novembre. Une manifestation le 22 novembre. Les initiatives et les propositions se multiplient comme celle-ci de la ZAD : « harceler et enquêter sur tous ceux qui fournissent la répression, collaborent avec elles, perturber tous les moyens techniques qui lui permettent de s’armer, de se déplacer, se ravitailler et plus encore. Concert de casseroles devant les commissariats et les gendarmeries, harcèlement verbal des patrouilles, recours juridiques contre les armes de la police, sabotages, c’est l’emploi simultané de tous ces moyens qui parviendra à faire mouvement ».

A nous d’élaborer une riposte à la hauteur de la situation.
Nous ne céderons pas à la peur. Pour Rémi. Pour nous. Nos luttes, nos mondes et nos amitiés.

Vu sur le site : « Face aux armes de la police »

[Poitiers] Kamel libéré mais toujours sous OQTF, la lutte continue

Kamel libéré du centre de rétention

Kamel a quitté le centre de rétention administratif de Bordeaux à midi. L’annonce d’Yvon Plaçais porte-parole « D’ailleurs nous sommes d’ici », vendredi, vers 13 h, a provoqué les applaudissements des camarades de Kamel, rassemblés devant le lycée Auguste-Perret.

L’administration conteste les documents d’identité du jeune homme dont sa date de naissance. Il avait été placé en centre de rétention début octobre.
Sa libération a été décidée jeudi soir par le préfet de la Vienne, à la veille du mot d’ordre de mobilisation lancé par DNSI, des lycéens et des personnels d’Auguste-Perret. Ils devaient aller en cortège jusqu’à la préfecture, lieu d’un sit-in. Cette manifestation a été annulée et remplacée par un rassemblement.
Toutefois des jeunes exprimaient leur scepticisme sur le devenir de Kamel qui doit réintégrer le lycée lundi prochain. Ils pointaient du doigt l’Obligation de quitter le territoire qui reste d’actualité. Son avocate a procédé à un nouvel appel devant la cour administrative d’appel de Bordeaux pour qu’elle soit annulée.
« Ce premier recul de la préfecture est lié à votre mobilisation et à la défense acharnée de son avocate, leur déclarait Yvon Plaçais. En raison du maintien de l’OQTF, il faut continuer de se mobiliser, organiser une nouvelle manifestation élargie aux autres lycées de Poitiers car le cas de Kamel n’est pas isolé.»
Rendez-vous a été pris le jeudi 13 novembre pour un sit-in devant la préfecture vers 12 h 30.

en savoir plus

La préfecture s’explique sur sa décision

La préfecture que nous avons contacté a apporté les précisions suivantes: « Sur les conseils de son avocat, Kamel a refusé par deux fois de rencontrer les autorités consulaires, cela impose donc une enquête dans le pays d’origine. Pour faire des vérifications, nous avons besoin de temps, il était donc devenu incompatible de le maintenir en centre de rétention, ce qui explique sa sortie depuis ce matin (NDLR: vendredi). S’il revient dans le département 86, la préfecture de la Vienne l’assignera à résidence pour mettre à exécution l’Obligation de quitter le territoire car cela est toujours d’actualité ».

Marie-Catherine Bernard, Nouvelle République, 8 novembre 2014

[Poitiers] Appel à manifester avec les lycéen.ne.s pour Kamel et contre toutes les expulsions

Appel à manifester

La Préfecture de la Vienne s’acharne contre Kamel, mineur camerounais et lycéen poitevin, enfermé en rétention depuis 28 jours et toujours menacé d’expulsion.

Le Collectif DNSI appelle à manifester en nombre avec les lycéens et lycéennes d’Auguste Perret, pour la libération de leur camarade Kamel, la levée de son Obligation à Quitter le Territoire Français et la reprise de sa scolarité….

Vendredi 7 novembre à 13h

départ de la manif devant le lycée Auguste Perret.

DNSI, 6 novembre 2014

[Poitiers] Répression policière de la manif de jeudi 30/10

Communiqué du Comité poitevin contre l’aéroport de NDDL et son monde, lundi 3 novembre 2014

Face à l’horreur de la mort de Rémi Fraisse, tué par les gendarmes mobiles, une manifestation en sa mémoire a eu lieu à Poitiers jeudi 30 octobre.

Elle est partie paisiblement du centre ville avant de descendre vers la porte de Paris via la gare.

La police a alors bloqué la chaussée, contraignant les manifestant.e.s à rejoindre le trottoir, et les filmant de très près. Quelques centaines de mètre plus loin, les voilà coincé.e.s sous les arcades du boulevard Chasseigne.

Sans raison et en quelques secondes, plusieurs policiers en civil foncent au milieu du groupe et matraquent. Un policier en uniforme donne des coups de pieds. Plusieurs personnes sont à terre, celles qui peuvent s’enfuient, d’autres subissent un contrôle d’identité. Trois manifestants sont arrêtés et passent 24 heures en garde à vue, deux
d’entre eux sont inculpés pour violences et outrage.

Le comité poitevin dénonce les intimidations de la police à l’encontre des manifestant.e.s, et toutes les violences policières, à Poitiers, Sivens et partout ailleurs.

Comité poitevin contre l’aéroport de NDDL et son monde, lundi 3 novembre 2014