NdPN : fin de la grotesque accusation « d’apologie d’actes de terrorisme » [sic]… après une éprouvante garde à vue pour Jean-François. Mais procédure disciplinaire toujours en cours, avec commission disciplinaire prévue le 13 mars.
Apologie d’actes de terrorisme : le parquet ne poursuivra pas le prof de philo de Poitiers
Le procureur de la République de Poitiers a fait savoir cet après-midi que les propos imputés au professeur, au lendemain de l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, n’étaient pas « constitutifs du délit d’apologie d’actes de terrorisme ».
Classement sans suite. Un mois après le début de l’enquête confiée à l’antenne de police judiciaire de Poitiers et au lendemain de la garde à vue de Jean-François Chazerans, le procureur de la République de Poitiers, Nicolas Jacquet, a décidé ce vendredi 27 février de ne pas poursuivre le professeur de philosophie du lycée Victor-Hugo pour le délit d’apologie d’actes de terrorisme.
« S’agissant de sa position vis à vis des événements du 7 janvier, les auditions des élèves semblaient confirmer qu’en dépit des propos tenus, à aucun moment leur professeur n’entendait légitimer ou soutenir l’action des terroristes », écrit le procureur dans un communiqué.
L’enquête a néanmoins permis d’établir que le professeur mis en cause avait qualifié les journalistes de Charlie Hebdo de « crapules » tout en faisant le lien entre le terrorisme et « l’impérialisme de l’Occident » en assimilant les militaires français engagés sur des opérations extérieures à des terroristes. « Les propos tenus par cet enseignant le jour même d’un deuil national décrété à la suite d’un attentat terroriste ayant particulièrement ému l’ensemble de la communauté nationale, peuvent apparaître particulièrement inadaptés, déplacés et choquants« , ajoute Nicolas Jacquet.
Le procureur a donc décidé de communiquer l’ensemble des auditions et éléments recueillis au cours de l’enquête au recteur d’académie qui l’avait saisi le mois dernier. Retour à l’envoyeur. La procédure disciplinaire en cours au sein de l’Education nationale, elle, se poursuit.
>> Revoir la réaction de Jean-François Chazerans hier à l’issue de sa garde-à-vue.
Nouvelle République, 27 février 2015
Le professeur de philosophie n’a pas fait l’apologie du terrorisme
Le procureur de la République qui a classé l’enquête pénale sans suite, hier, juge “ choquants ” les propos tenus par Jean-François Chazerans en classe au lendemain de l’attentat de Charlie Hebdo.
Que s’est-il passé le 8 janvier dernier, entre 10 h et 12 h, pendant le cours de philosophie de Jean-François Chazerans, au lycée Victor-Hugo de Poitiers, alors que la France s’apprêtait à observer une minute de silence ?
Les auditions d’une dizaine d’élèves de Terminale ES3, menées par l’antenne locale de la police judiciaire, permettent enfin de mieux comprendre l’enchaînement de faits qui a conduit à la suspension de l’enseignant et à la saisine du parquet par le recteur d’académie de Poitiers, le mois dernier.
Au cours d’un débat organisé dans cette classe au lendemain de l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, deux groupes d’élèves se sont opposés : « L’un défendant la liberté totale d’expression, l’autre prônant une expression limitée et considérant que les journalistes de Charlie Hebdo étaient allés trop loin », raconte le procureur de la République de Poitiers, Nicolas Jacquet.
Le professeur se serait rangé à l’avis du second groupe, déclarant notamment que les journalistes de Charlie étaient des « crapules ». Ce qu’il a fini par reconnaître au cours de sa garde à vue, jeudi, après l’avoir nié, en précisant qu’il s’agissait « dans son esprit d’un terme affectueux et commémoratif », ajoute le procureur.
Enfants de militaires
Au bout d’une heure, après la pause, Jean-François Chazerans aurait fait glisser le débat sur un terrain plus politique faisant le lien entre le terrorisme et l’impérialisme de l’Occident « en assimilant les militaires français engagés sur des opérations extérieures à des terroristes », selon l’enquête.
Il aurait alors projeté le blog d’un collègue du lycée contenant un article au titre engagé : « Le terrorisme, produit authentique de l’impérialisme ». « L’audition des élèves a confirmé que leur professeur avait l’habitude de faire part de ses opinions personnelles et militantes », fait remarquer le procureur. Ce jour-là, plusieurs d’entre eux auraient réagi, en particulier les enfants de militaires poitevins engagés dans la lutte contre le terrorisme au Mali. D’où le courrier de plainte adressé au rectorat par les parents d’une lycéenne.
Conseil de discipline le 13 mars
Tout cela ne constitue pas un délit d’ apologie d’actes de terrorisme « qui impose de présenter des actes de terrorisme sous un jour favorable », estime Nicolas Jacquet.
A aucun moment, (le) professeur n’entendait légitimer ou soutenir l’action des terroristes.
Sur le plan pénal, l’enquête est donc classée sans suite.
« Il demeure que les propos tenus par cet enseignant le jour même d’un deuil national […] peuvent apparaître particulièrement inadaptés, déplacés et choquants », ajoute le procureur qui a communiqué l’ensemble des éléments recueillis par la police judiciaire au recteur.
Car la procédure administrative engagée au sein de l’Éducation nationale se poursuit. Jean-François Chazerans qui reste mis à pied à titre conservatoire est convoqué le 13 mars prochain devant le conseil de discipline.
En savoir plus : « Mon boulot, c’est d’apporter des éclairages »Il semblait soulagé, Jean-François Chazerans, hier soir, en évoquant le classement sans suite de l’enquête pénale pour apologie d’actes de terrorisme dont il faisait l’objet. « Je suis très satisfait après huit heures de garde à vue », dit-il. Son avocat aussi :
Cela n’empêche pas le professeur de philosophie suspendu de démentir la version des faits établie par les enquêteurs sur la base de l’audition d’une dizaine d’élèves, pro et anti-Chazerans, de la classe concernée. En particulier sur l’assimilation des militaires français à des terroristes : « C’est absolument faux. Je n’ai jamais dit cela. Nous avons eu un échange sur l’intervention au Mali et j’ai expliqué qu’elle était motivée par la défense des intérêts français, notamment pour l’approvisionnement en uranium d’Areva, et non pas par une démarche humanitaire. C’est tout. » Pour le reste, Jean-François Chazerans ne souhaite pas s’étendre sur ses propos concernant l’impérialisme de l’Occident mais assure n’avoir rien à se reprocher. « Mon boulot, c’était d’apporter des éclairages alors que les élèves avaient des réactions de vengeance », estime-t-il. « Je ne suis pas sorti de mon rôle d’enseignant. Pas du tout. » Il se dit aussi confiant avant de passer devant le conseil de discipline de l’Éducation nationale. « Dans la première phrase du rapport des inspecteurs, il est précisé que je suis un professeur de philosophie à la dérive et que cela se voit aussi dans mon habillement et ma tenue ; c’est dire le sérieux de l’enquête administrative ! », rigole M. Chazerans. Nouvelle République, 28 février 2015 |