Nouvelles attaques contre le droit du travail

Nouvelles attaques sur le droit du travail

Le salariat c’est quoi ? C’est un mode d’organisation des activités humaines répondant non aux besoins réels, mais à l’accroissement du capital. Les salarié.e.s ne décident pas quoi produire, ni comment produire : ça ne leur appartient pas plus que leur force de travail mise à disposition de l’employeur. Le patron ne nous emploie pas pour « créer des emplois » mais pour prélever un profit sur le travail collectif. Deux siècles de système salarial à grande échelle, à coups d’expropriations et de répressions massives des pauvres par les Etats, nous ont rendu.e.s incapables de faire autrement que de nous vendre aux capitalistes pour subsister. L’emploi n’est pas un « contrat » équitable entre deux « partenaires sociaux » : nous bossons pour survivre, hier comme aujourd’hui. Nous sommes des prolétaires : non rentier.e.s, nous ne détenons pas les capitaux et les moyens de production.

Néanmoins la classe prolétaire, en luttant contre son exploitation salariale, a obtenu la concession de droits par les patrons et l’Etat. Cela s’appelle le droit du travail. Il est loin d’être parfait, puisqu’il codifie les conditions du salariat, institution abjecte en elle-même. Mais il nous protège, en partie. Il n’est pas inscrit dans le marbre, et constamment remis en cause. Nous assistons actuellement, dans la suite des dizaines de milliards accordés par le PS au patronat dans le cadre du « pacte de compétitivité », à une nouvelle vague d’attaques graves contre ce droit du travail. Ces projets funestes prévoient de dégrader sensiblement les conditions de travail et la rémunération des salarié.e.s. Ce, au prétexte que la compétitivité susciterait l’emploi, hypothèse fumeuse largement démentie par les faits aussi bien que par la logique de réduction structurelle de la masse salariale par le développement du capital.

« Modernisation du dialogue social »

Rédigé par le MEDEF, ce projet a été rejeté par les syndicats à l’issue des discussions préalables s’achevant le 23 janvier. Mais le gouvernement PS, tout fâché, a déclaré illico presto qu’il prendrait le relais pour trancher. Prochaine réunion des « partenaires sociaux » le 19 février… Le MEDEF et son allié « socialiste » ont pour projet de supprimer les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), nés en 1992 (lois Auroux). Les CHSCT jouent un rôle important dans la protection de la santé des salarié.e.s. Ce contre-pouvoir, quoique imparfait, parvient jusque là à bloquer des réorganisations managériales, des méthodes d’évaluation nuisibles et des plans de licenciements. Il est donc devenu insupportable au patronat, qui propose que des « conseils d’entreprise » remplacent les fonctions actuellement assumées par les délégués du personnel, les comités d’entreprise et les CHSCT. Or ces conseils d’entreprise ne seraient obligatoires que dans les entreprises et établissements de plus de 300 salarié.e.s, privant de fait de droits le prolétariat trimant dans des structures plus petites. De façon générale, non seulement les représentante.s du personnel seraient bien moins nombreux.ses, mais le budget alloué aux instances représentatives serait aussi en nette baisse, privant nombre de salarié.e.s de la possibilité de recourir à des expertises coûteuses mais indispensables pour se protéger des employeurs.

La fameuse « loi Macron »

Le 26 janvier s’ouvrent les débats parlementaires visant à avaliser les diverses propositions de la loi fourre-tout dite « Macron », du nom d’un millionnaire issu du monde de la finance, sévissant actuellement comme ministre de l’économie pour les « socialistes » au pouvoir. Dans ce bric-à-brac de la loi Macron, on trouve des dispositions préoccupantes, qui concernent notamment :

* le travail du dimanche et en « soirée » : des dérogations supplémentaires seraient accordées au motif du « préjudice au public et à l’activité », et dans les zones désignées touristiques et commerciales. Les patrons pourraient nous faire taffer sans contrepartie financière le dimanche et la nuit, sur « accord » des employé.e.s (comme si on avait le choix !). Dans les zones touristiques, le travail dit de nuit ne débuterait plus à 21H mais à minuit. L’exception risque fort de devenir la règle, rognant les compensations salariales. Rappelons que nombre de gens bossent le dimanche et la nuit faute de pognon… notamment les femmes et les jeunes, trimant dans le commerce et les services.
* les prud’hommes
: les juges élus, actuellement considéré.e.s comme trop favorables aux salarié.e.s, seraient réduits au rôle d’assesseurs de nouveaux juges professionnels, désignés par l’Etat via le Tribunal de Grande Instance. Nombre de litiges seraient désormais traités par des « conventions » de règlement « à l’amiable » entre patrons et salarié.e.s, en dehors des prud’hommes. Ainsi, c’est le fondement même du code du travail, à savoir le rapport de subordination, inégal par essence, entre le patron et son salarié, qui ne serait plus reconnu. Soit deux siècles de retour en arrière sur les acquis et les jurisprudences protégeant les salarié.e.s.
* l’inspection du travail : exit le pouvoir des juges, puisque la plupart des sanctions prévues par le code du travail seraient carrément dépénalisées, et transformées en simples amendes administratives. Les peines d’emprisonnement condamnant les délits patronaux d’entrave au droit syndical (comme la non-consultation des syndicats en cas de restructuration) seraient supprimées.
* les licenciements économiques : procédures facilitées et accélérées de dégraissage de prolos. Les grands groupes n’auraient plus à payer lorsqu’ils ferment une filiale. Les actions pourront ainsi se ressaisir plus vite, sur le marché des vies brisées.
* la médecine du travail : les médecins seraient désormais interdits de délivrer des avis d’aptitude avec réserves, qui obligent jusque là les employeurs à adapter le poste de travail à l’état de santé des travailleurs, et les empêchent de les licencier abusivement.
* les travailleurs handicapés : les patrons ne seraient plus obligés d’employer des travailleurs handicapés : leur seraient proposés le précaire statut de travailleur indépendant, ou des « périodes de mise en situation en milieu professionnel » à durée déterminée.
* le travail clandestin : la sanction des patrons embauchant des salarié.e.s sans les déclarer (donc sans les couvrir d’une protection sociale) serait remplacée par une simple suspension d’activité, ne pouvant pas dépasser un mois. L’employeur pourrait même décider de payer une amende à la place.
* les transports : libéralisation prévue du transport interrégional par autobus, dégradant encore plus le service public ferroviaire. Privatisation des aéroports de Nice et de Lyon. De nouveaux marchés juteux, au détriment des salarié.e.s et des usagers.

Toutes ces attaques sont le reflet de l’offensive patronale en cours depuis des années. Elle ne cesse de s’accélérer, et se poursuivra contre nous tant que nous ne la stopperons pas par la lutte et l’organisation de la grève générale. Alors que nombre de prolos grondent et n’en peuvent plus de se sentir méprisé.e.s, la réponse des bureaucraties de la contestation se contentant de négocier l’inacceptable, ou de proposer des broutilles, n’est absolument pas à la hauteur. Nous ne prendrons pas la peine de rapporter ici les revendications pitoyables de la plupart des organisations syndicales et partidaires, au risque de dire des méchancetés. La stratégie gauchiste perdante d’y aller « pas à pas » pour « convaincre les masses », sous-entendant que les prolo.te.s seraient trop con.ne.s pour comprendre, est surtout parvenue à désespérer tout le monde.

L’histoire montre que les conquêtes sociales ne se sont pas gagnées par des revendications partielles, mais par la menace d’une révolution sociale expropriatrice, lorsque les prolo.te.s débordent les structures censées les représenter. Nous produisons tout, nous sommes capables de satisfaire nos besoins sans patronat ni Etat. Pourquoi continuer à produire pour le seul profit de gens obsédés par le pouvoir et le pognon ?

Vu le paysage actuel des luttes, vue l’entreprise de division du prolétariat par le gouvernement et les médias bourgeois, sur fond de banalisation des discours discriminatoires puants, vue la répression partout à l’oeuvre, la tâche n’est pas aisée. Mais malgré la fatigue, malgré la déprime, nous ne devons pas, nous ne pouvons pas renoncer. L’organisation réelle du prolétariat passe, aujourd’hui comme autrefois, par la construction quotidienne de liens solides et solidaires, aussi bien dans le partage et l’entraide que dans la lutte, sur le long terme. Des liens moins idéologiques que de classe, moins spectaculaires qu’efficients, avec toutes celles et ceux qui ne se résignent plus face à l’injustice, l’exploitation, la domination, et qui sont résolu.e.s à bâtir ici et maintenant un monde solidaire.

Pavillon Noir, 25 janvier 2015