« Prévention des violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique »

NdPN : vu le flou juridique autour de la notion de « trouble à l’ordre public », le projet de loi « antiterroriste » annoncé par le gouvernement pourrait  clairement donner un cadre légal à l’espionnage de militants susceptibles de participer à des manifs par les services de renseignement, sans même le contrôle des juges.

Le magistrat craint que des « pouvoirs exorbitants » soient offerts aux services de renseignement français, dans des domaines bien plus larges que la seule lutte antiterroriste. Le tout sans contrôle des juges judiciaires.

Interrogé par L’Express jeudi, le juge antiterroriste Marc Trévidic exprime de vives réserves quant au « projet de loi sur le renseignement« , présenté ce même jour au conseil des ministres.

Le magistrat s’étonne du glissement sémantique qui, dans les médias, limite selon lui les nouvelles dispositions à une législation antiterroriste. « Je comprendrais que la situation actuelle sur ce front nécessite un accroissement du pouvoir des services de renseignement, concède-t-il, mais le projet de loi s’applique à des domaines beaucoup plus vastes. Des domaines qui répondent à des notions particulièrement vagues… »

Sept domaines allant du terrorisme aux violences collectives

Le texte proposé par le gouvernement prévoit le possible recours à des logiciels espions, à des appareils de géolocalisation ou encore à des « capteurs de proximité » pour les téléphones mobiles dans sept secteurs: défense nationale, intérêts de la politique étrangère, intérêts économiques ou scientifiques majeurs, prévention du terrorisme, prévention de la criminalité organisée, prévention de la prolifération des armes de destruction massive, prévention des violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique. Autrement dit, l’ensemble des champs couverts aujourd’hui sur le territoire national et à l’étranger par les agents français, qu’ils dépendent des ministères de la Défense, de l’Intérieur ou de l’Economie et des Finances.

Marc Trévidic craint que le gouvernement et les six services composant la communauté du renseignement n’aient « profité de l’émotion suscitée par les événements du 7 janvier [date de l’attentat contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo, ndlr] », évoquant de possibles « dérives » à l’avenir. « Ces pouvoirs exorbitants se feront sans contrôle judiciaire, insiste-t-il. Ne mentons pas aux Français en présentant ce projet comme une loi antiterroriste. Il ouvre la voie à la généralisation de méthodes intrusives, hors du contrôle des juges judiciaires, pourtant garants des libertés individuelles dans notre pays. »

Vu sur le site de L’Express, 19 mars 2015