[Poitiers] Une expo de Manuel Vimenet sur les révoltes de 1989

L’homme qui vécut trois révolutions en 1989

Ancien photographe à l’agence Vu, Manuel Vimenet expose à Poitiers les photos qu’il a prises en 1989 à Pékin, Berlin et Bucarest. Une vraie page d’histoire.

C’est l’histoire d’un homme qui a souvent été présent au bon endroit et au bon moment. En 1989, alors que le monde de l’après-Guerre Froide se dégèle brutalement, le photographe poitevin Manuel Vimenet se trouve plongé au cœur de l’histoire en marche.

De Pékin, début juin, où la révolution des étudiants chinois est noyée dans le sang de la place Tian An Men, jusqu’à Bucarest, à Noël, où le dictateur Ceausescu et rattrapé et exécuté par une population roumaine trop longtemps oppressée, en passant par la chute du mur de Berlin, le 9 novembre, l’année 1989 aura été celle des révolutions populaires. Et celle d’une activité bouillonnante pour celui qui était alors photographe à l’agence parisienne Vu.
« J’étais déjà allé en Chine, entre 1986 et 1988, pour faire des reportages de société, sur la vie quotidienne des Chinois, explique Manuel Vimenet. Dès qu’il y a eu l’occupation de la place Tian An Men par les étudiants, mi-avril, les magazines Actuel et Paris-Match m’ont envoyé en Chine. J’y suis arrivé fin avril 1989. » Le photographe y restera un mois et demi, photographiant les confrontations entre manifestants et soldats, jusqu’à la terrible répression de la nuit du 3 au 4 juin 1989. « Ce soir-là, j’avais fait quatre pellicules, mais la police m’attendait à mon hôtel et a tout confisqué. » Malgré tout, le journaliste restera encore une dizaine de jours après le massacre et pourra collecter quelques précieuses images, le plus souvent à la sauvette, comme ces tanks stationnés devant la Cité interdite qu’il a photographiés depuis l’intérieur d’un bus.

Une semaine avant la chute du Mur

Quelques mois plus tard, le même magazine Actuel lui commande un reportage sur le quartier underground de Berlin-Est où bouillonne une vie artistique trépidante. Celui qui n’est pas encore Poitevin (il s’est installé à Poitiers en 1996) arrive dans la capitale de la RDA le 2 novembre 1989, soit une semaine avant la chute du Mur. « J’avais rencontré un critique de BD allemand vivant à Berlin-Est qui tentait d’obtenir un visa pour participer au festival d’Angoulême, se souvient Manuel Vimenet. Le matin du 9 novembre, je l’ai retrouvé en pleurs car ils lui avaient refusé son passeport. Le soir, il était au pied du mur, tout sourire, et il a passé la nuit à faire des allers-retours vers Berlin-Ouest. Il m’a dit que la bureaucratie était en retard sur l’histoire. »
Rentré en France fin novembre, le photographe n’aura guère le temps de souffler. Alors qu’il s’apprête à passer Noël en famille, son agence l’appelle pour partir en Roumanie avec Jean Hatzfeld, grand reporter à Libération, et deux autres photographes.

Une année historique résumée en 38 photos

« On avait raté le dernier avion pour Bucarest, on s’est donc envolé pour Budapest où on a loué une voiture. Mais on est restés bloqués durant des heures à la frontière hongroise car Ceausescu était déjà en fuite. Finalement, on est arrivés à Bucarest le 22 ou le 23 décembre. » Deux jours plus tard, le dictateur et sa femme étaient arrêtés, jugés lors d’une parodie de procès télévisé, puis exécutés.
Ce sont ces trois incroyables pages d’histoire que balaie l’exposition « 1989, un vent de liberté » présentée, en ce moment, à Poitiers. Une année historique racontée en 38 photographies saisissantes.

« 1989, un vent de liberté », exposition visible jusqu’au 26 février, dans le hall du conseil général de la Vienne, à Poitiers. Entrée libre. Vernissage ce jeudi 5 février, à partir de 17 h 30.

Laurent Favreuille, Nouvelle République, 5 février 2015