[Poitiers] Sur les élections professionnelles de la fonction publique d’Etat

Le projet syndicaliste est historiquement fondé, au moins en France, sur la lutte des classes et l’action directe contre le patronat et les gouvernants, par l’indépendance et l’autonomie des prolétaires auto-organisés, en vue d’une réorganisation révolutionnaire de la société sur de nouvelles bases économiques, où la production répondrait aux besoins réels des populations.

Selon la charte d’Amiens (1906), fortement inspirée des syndicalistes révolutionnaires et anarchistes, et que sont toujours censés reconnaître les principaux syndicats en France, la lutte syndicale vise à abolir le salariat et le patronat, et à combattre les gouvernants. Pour cela, la lutte pour les « améliorations immédiates » s’inscrit clairement dans l’objectif de gagner en force et en organisation en vue de « l’émancipation intégrale » et de « l’expropriation capitaliste ». De fait, les syndicats à s’en souvenir aujourd’hui sont loin d’être majoritaires. Il s’agit des diverses scissions de la CNT, quoi qu’il y aurait matière à discussion sur leur participation ou non aux élections professionnelles. On peut aussi citer Solidaires, même s’il y aurait encore plus ample matière à débat vues certaines déclarations.

Demain jeudi 4 décembre 2014 auront lieu les élections professionnelles pour les salarié.e.s de la fonction publique d’Etat, en vue d’élire des représentants dans des institutions telles que la commission administrative paritaire, le comité technique et le comité d’hygiène. D’un point de vue syndicaliste « pur », ces élections sont aberrantes dans leur principe de paritarisme et de collaboration de fait avec ce qu’on est censé combattre et abattre. Même si nous admettons, dans une certaine mesure, que ces élections puissent permettre d’imposer un meilleur rapport de force (il existe tout de même certaines sections plus combatives que d’autres), le problème est que les travailleur.euse.s n’ont le choix qu’entre des syndicats de collaboration de classe. Voilà bien longtemps que le réformisme crasse de la direction de la CGT (jusque-là majoritaire) ne nous semble plus porter aucun espoir. Quant aux deux autres syndicats (FO et CFDT), contentons-nous de citer ici deux passages d’articles parus aujourd’hui dans la Nouvelle République :

FO : « nous on est là pour faire avancer les choses, donc on propose. On reste réalistes, on ne vend pas du rêve ». Le syndicat présente « un bon bilan » qui met en avant son travail sur les questions de prévoyance, la participation des employeurs aux mutuelles, l’accord sur le travail du dimanche.

CFDT :  le syndicat dit se tenir « à l’écart des querelles d’ego » et défend « l’utilité du dialogue social avec les employeurs ».

De nombreuses raisons expliquent que ce syndicalisme institutionnel soit devenu le lubrifiant nécessaire à la pérennisation du capitalisme et de l’Etat : répression brutale des luttes, précarisation des prolos, productivisme forcené, peur du chômage, bureaucratisation représentativiste et illusions électoralistes nous ont écrasé.e.s, divisé.e.s, et replié.e.s sur nous-mêmes au point que nous sommes pour la plupart réduit.e.s à accepter tout et n’importe quoi, même un taf mal payé pour produire des biens et services socialement et écologiquement nuisibles. Nos lecteur.ice.s auront sans doute constaté depuis longtemps combien ces « représentants » syndicaux sont passé.e.s maîtres dans l’art d’étouffer les mouvements sociaux. La bataille récurrente des grandes organisations « syndicales » pour les subventions publiques n’est que la conséquence d’un délitement généralisé de l’organisation de notre classe prolétaire. Pendant ce temps, le « syndicalisme » patronal s’organise avec force manifs et coups de comm’, et son allié étatique, hier de droite et aujourd’hui de gauche, répond à toutes ses attentes, ainsi qu’il l’a toujours fait.

Retenons simplement que nous, prolos au taf ou au chômage, devrons nous organiser par nous-mêmes sur des bases autonomes, dans les sections syndicales combatives ou en-dehors, si nous envisageons un tant soit peu de résister aux assauts de la classe dominante. Nous n’avons besoin d’aucun chef ni représentant.e pour nous organiser de façon à imposer un véritable rapport de force. Les exploiteurs ne tirent leur force que de notre peine, de notre résignation, de nos collaborations et humiliations quotidiennes qui nous divisent, nous avilissent et nous font honte.

Cessons de mourir un peu plus chaque jour en nous agenouillant face à cette clique de dominants cyniques, qui nous écrase la tronche, nous agonise de son orgueilleux mépris, nous mutile et nous tue. Nous produisons tout, ils n’ont que leur sale pognon et leur imagination stérile. Levons-nous pour les exproprier tous. Les temps ne sont plus aux plaintes et au débat avec les bourreaux, mais à l’insurrection. Ce monde nous revient.

Pavillon Noir