Salut à toi Morgoth

NdPN : Salut à toi Morgoth, toi qui avais choisi de vivre libre, toi qui portais la joie, toi qui savais te mouiller pour les autres, on se souviendra toujours de toi !

 » Tchao Morgoth ! « 

Les obsèques de Christian Herrero, alias Morgoth, se sont déroulées au crématorium de Poitiers en présence de 200 personnes. Des adieux poignants.

Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai… La phrase revient en boucle. Lionel, Éliane, Mika, Nath, Bernadette, Alexandra et tous les autres, des anonymes, des « potes », des « frères » de rue, des amis, des représentants d’association (La Main tendue)… ils sont tous là, au crématorium de Poitiers, autour du cercueil de Christian Herrero, alias Morgoth, décédé brutalement la semaine dernière (lire notre édition de samedi).

«  Soyez joyeux !  »

Pas de recueillement mais des prises de paroles spontanées au micro, ponctuées par des applaudissements ou des sifflements. Les uns après les autres lui rendent un vibrant hommage, chacun avec ses mots, ses fêlures ou encore ses sanglots lourds de chagrin. « Tu servais de lien, comme un frère, comme un père. » « Tu n’avais ni Dieu, ni maître mais l’intelligence du cœur. Tu nous laisses comme des cons. » « Tous les jours, tu refusais mes petites pièces car tu disais que j’étais ton amie. » « Avec humour, tu demandais une pièce ou une puce pour ton chien. » Son chien, Napalm, ne quitte pas sa nouvelle maîtresse Nath (l’ex-compagne de Morgoth). Les yeux hagards par la tristesse, il se laisse porter au gré des mots gentils et des marques d’affection ; une écuelle d’eau fraîche à portée de museau, non loin de son maître disparu.
Éliane s’avance : « Je suis la petite sœur de Morgoth [NDLR : accompagnée par son autre sœur Isabelle et le beau-père de Morgoth] et il me parlait souvent des gens avec lesquels il vivait dans la rue. Il devait vous aimer tous. » Un anonyme approche, look mi-hipster, mi-classique : « Je suis le coincé du centre-ville [rires dans la salle], tu jouais avec mes enfants et je n’avais pas besoin de te connaître pour savoir que tu étais quelqu’un de bon. » Et puis Bernadette Conord se dirige à son tour vers le micro. Le seul moment de silence s’installe. Celle qui lui a proposé le gîte et le couvert au cœur de l’hiver 2013 contient ses larmes : « Les enfants, vous êtes merveilleux. Pensez à lui et soyez joyeux ! » Ses mots déclenchent une ovation. Nath, son amie et ex-compagne admire encore le « putain de mec ».
Ce « tonton », son autre surnom, peut maintenant partir en paix en suivant les index qui se tendent vers le ciel – son signe à lui – de tous ses frères de rue…

Un élan de solidarité a permis un soutien financier très apprécié par la famille de Morgoth qui remercie tous les donateurs.

Marie-Laure Aveline, Nouvelle République, 16 juillet 2015